Transparence et menaces téléphoniques : l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce jeudi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le coup de téléphone entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine.
Le pire est à venir. C’est la conclusion d’Emmanuel Macron après un entretien avec Vladimir Poutine. Le Président russe a appelé le Président français pour une longue conversation qui a duré une heure trente. Comme on dit, dans ces cas-là, ce fut une franche discussion.
Cet entretien intervenant au lendemain d’une allocution télévisée d’Emmanuel Macron. Sur les chaînes françaises, hier soir, à 20 h, Emmanuel Macron avait qualifié de mensonge l’affirmation de Poutine, selon laquelle la Russie intervenait en Ukraine pour combattre le nazisme. « Une offensive indigne, disait Macron, il n’y a pas de troupes ni de basses de l’OTAN en Ukraine, c’est bien le Président russe qui a choisi seul et de manière délibérée la voie d’un conflit armé”. Le Président français désignait le Président russe comme le seul agresseur.
La réponse de Poutine est arrivée aujourd’hui avec ce long entretien téléphonique, organisé à la demande du Président russe. Poutine a fait part de sa grande détermination. Si l’on en croit le récit de l’Élysée, il continue de parler d’une opération spéciale, et pas d’une guerre, et prétend toujours que son action vise à dénazifier l’État ukrainien. Cette opération se déroulerait d’après lui conformément au plan prévu, mais pourrait encore s’aggraver si les Ukrainiens n’acceptent pas les conditions russes.
Que deux chefs d’État se parlent 90 minutes au téléphone, en temps normal, ce serait plutôt un bon signe. Cela serait un indicateur que le canal diplomatique n’est pas rompu. Aux pires moments de la guerre froide, dans les années 1960, il existait un téléphone rouge reliant la présidence russe à la présidence américaine. Un canal de communication d’urgence qui avait pour but de faire baisser la tension dans les moments de crise aigüe.
Ce qui est mauvais signe en revanche, c’est que le contenu de cette conversion se soit retrouvé sur la place publique. Et que le registre utilisé soit clairement de l’ordre de la menace. Une menace qui est, ce soir, connue de tout le monde. Enfin de presque tout le monde. Aujourd’hui les deux derniers médias indépendants de Russie ont finalement cessé d’émettre. La radio écho de Moscou et la chaîne de télévision Djod avait osé parler d’une guerre et s’étaient montrées critiques. Ces médias ont été bloqués par le CSA russe. Ce que les citoyens russes apprendront de ce coup de téléphone à Emmanuel Macron sera désormais contrôlé à 100% par des médias proches du pouvoir. Il est fort probable que ce ne sera pas la même version que celle qu’en donne la présidence française.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley