Toujours pas prêts, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce lundi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le discours d’Antonio Guterres et la question climatique.
« L’humanité a un choix : coopérer ou périr. C’est soit un pacte de la solidarité climatique, soit un pacte de suicide ». Ce sont les propos particulièrement forts tenus à nouveau par Antonio Guterres, le secrétaire général des nations unies, lors de l’ouverture du sommet pour le climat de Charn-el-Cheikh.
On doit reconnaître au moins, un mérite à Antonio Guterres, celui d’être constant et volontariste sur la question climatique. Le secrétaire général de l’ONU a adopté une communication résolument offensive. Résolument alarmiste ou pessimistes diront même ses détracteurs. En employant le thème du suicide, Antonio Guterres nous renvoie directement à l’idée de la mort et de fin de l’humanité. Une mort dont nous pourrions être collectivement coresponsables « nous sommes sur l’autoroute vers l’enfer climatique avec toujours le pied sur l’accélérateur ».
Ces propos forts du patron des nations unies sont bien sûr destinés à faire pression sur les dirigeants qui se rendront ce soir ou dans les prochains jours à ce sommet de Charm-el-cheikh. Avec la grande question des efforts à se répartir. Que cette conférence climat se déroule sur le continent africain n’est pas anecdotique. Ce sommet de Charm-el-Cheikh devrait être l’occasion pour les pays pauvres de rappeler aux pays riches leurs responsabilités et leurs promesses de financement. « Il faut que les États-Unis et la Chine soient vraiment au rendez-vous » expliquait aujourd’hui Emmanuel Macron, estimant que les Européens sont « les seuls à payer » et qu’il faut « mettre la pression sur les pays riches non européens », leur dire « vous devez payer votre part ».
On parlera beaucoup d’argent dans les prochains jours en Égypte. Avec des sommes colossales qui auront pour ambition d’aider les pays du sud à se développer sans passer par la case des énergies fossiles. Avec ce paradoxe, qui si nous sommes nous en demeure de nous passer de ces énergies, et d’entrer dans un parcours de transition, beaucoup de pays du sud vont tenter de se développer en ayant directement recours aux énergies renouvelables. Il faut devoir sauter une marche en quelque sorte. Mais il ne saurait être question qu’ils restent au pied de l’escalier.
L’autre gros dossier de financement concerne les conséquences du réchauffement climatiques. Les ouragans, les inondations, la montée des eaux, les sécheresses et les incendies, nous concernent tous, leurs conséquences sont encore plus dramatiques dans les pays en voie de développement. Nous sommes huit milliards d’habitants sur terre. Ne pas s’assurer de conditions de vie décentes pour tous, c’est s’exposer à davantage de tensions, de guerres et de migrations massives.
Si les pays du Sud nous regardent avec un air accusateur, c’est parce que nous n’avons pas, malgré tous ces protocoles, tous ces accords, malgré ces 26 conférences du climat du passé, nous n’avons pas réellement pris la mesure des efforts qui nous attendent si nous voulons réellement inverser le cours des choses. Certes, on a développé les photovoltaïques et l’éolien. On a dépensé des sommes colossales pour cela. Mais nous n’avons en réalité pas concrètement diminuer notre consommation d’énergie fossile.
Le boom des énergies vertes a en vérité servi à accompagner notre demande toujours plus grande d’énergie. Mais nous n’avons pas exactement réduit notre consommation de pétrole, de gaz, de charbon. Selon l’agence internationale de l’énergie, il faudra attendre 2035 pour que la demande mondiale commence à baisser. Les files des automobilistes devant les stations-services en France il y a quelques semaines. Notre angoisse sur les prix de l’énergie, du super sans plomb, du diesel ou du gaz de ville sont particulièrement révélatrices et assez décourageantes. Se passer des énergies fossiles, cela fait 20 ans qu’on en parle. Et nous ne sommes toujours pas prêts.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley