Temps suspendu, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce lundi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito longue durée de la guerre en Ukaine.
Combien de temps ça dure une guerre ? 3 mois ? 3 ans ? Peut-être plus, peut-être moins. C’est la question qui se pose en Ukraine. Et que nous devons, nous aussi, nous poser, avec les Ukrainiens.
Trois mois ou trois ans. Ce sera plus que trois semaines en tout cas. Trois semaines et demie pour être précis. 3 semaines et demie qui nous semblent une éternité. On a d’abord espéré que les combats se limiteraient à l’est du pays, la province du Donbass. On a vite compris que c’était tout le littoral de la mer d’Azov qui était visé. Que de grandes villes du sud comme Kherson et Odessa l’était également. Même chose pour Kharkiv au nord et puis le siège de Kiev, la capitale.
Après trois semaines et demie de combat, certaines villes sont tombées, d’autres pas. Les Ukrainiens résistent. Ils meurent, mais ne se rendent pas. Ce lundi matin, la ville de Marioupol a refusé de capituler, répondant ainsi par la négative à un ultimatum de l’armée : si vous vous rendez, nous ouvrirons deux corridors humanitaires. Le pire est sans doute à venir à Marioupol. Les deux derniers journalistes internationaux qui travaillaient pour l’agence Associated Press ont quitté la ville. Une école d’art à l’intérieur de laquelle 400 civils avaient trouvé refuge a été bombardée.
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À Kiev, c’est un centre commercial qui a été visé par un obus. 8 morts hier soir. À Kherson, une manifestation de civils qui demandaient aux soldats russes de rentrer chez eux a été dispersée à coups de grenades assourdissantes, il y a 4 blessés. Certains affirment même que les soldats ont tiré sur la foule, mais ce n’est pas confirmé. Dans cette ville de Kherson, les habitants ont désormais le courage de manifester tous les jours contre l’occupant russe.
3 semaines et demie que cela dure. On a bien compris que le conflit s’enlise. Et que pour se sortir de cet enlisement, l’armée russe était tentée d’utiliser des armes de destruction de plus en plus massives… Avec des civils tués pour l’exemple. Des quartiers ou des villes rayées de la carte. Il faut désormais soumettre les populations ukrainiennes, car tout retour en arrière serait une défaite. Les fameux missiles hypersoniques, ce n’est pas seulement une percée technologique… C’est surtout une percée meurtrière.
Pour nous, cette litanie de bombardements, de sièges, de comptabilisation des victimes est d’une interminable lenteur. C’est comme si le temps s’était figé et que nous restions tétanisés, choqués, paralysés. Pour ceux qui sont sous les bombes, le temps ne compte plus. Il s’est arrêté. Ce sont des vies, des destins, des existences que l’on vole. Elles sont entre parenthèses et peuvent partir à tout moment. Jeudi, Bruxelles accueillera un sommet européen et un sommet de l’OTAN. On sera le 24 mars. Un mois jour pour jour après les premières frappes. On espère que ce repère temporel, pourra avoir un sens.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley