Rue de la Loi : un dîner presque parfait (J+190)
C’est la période des fêtes, il serait peut être temps de réfléchir à vos repas de fin d’année. Saint Nicolas, Noël, Nouvel An, nous ne manquons pas de réveillons, de soupers, déjeuners ou petit-déjeuners de fête. Pour tous ceux qui aiment recevoir, c’est le moment de composer le menu, de prévenir les convives, d’organiser les plans de table. Le premier acte à poser, c’est la liste des invités. Paul Magnette a donc pris un peu d’avance sur les agapes de fin d’année, en organisant samedi soir un dîner des présidents de partis. Autour de la table, les socialistes, les libéraux et les écologistes du nord et du sud.
Vous savez comment c’est quand on organise un dîner. Il faut se méfier de qui on invite et aussi de qui on n’invite pas. Officiellement, dans la famille des partis politique avec lesquels l’informateur discute, ils sont 10. Ça aurait donc du faire, informateur compris, 11 places à table. Paul, boulanger, cuisinier, caviste, restaurateur, a préféré faire un repas à 7. La NVA, le CD&V, le CDH et Défi n’ont donc pas été invités. Tant que ça reste secret, pas de problème. Mais quand ça se sait, bonjour les dégâts. Depuis hier, la NVA et le CD&V ruent dans les brancards. Paul Magnette s’est autoproclamé formateur, s’étranglait Bart De Wever, qui voyait là un acte pas tout à fait en phase avec la mission confiée par le roi Philippe au président du PS. “C’est un manque total de respect” a surenchéri Sammy Madhi, candidat à la présidence du CD&V. Dans la grande famille des présidents de parti, il y a donc cette fois une déchirure réelle. Ce repas est un tournant, il y a ceux qui étaient invités et ceux qui ne l’étaient pas. Ce n’est pas qu’une question de politesse, de jalousie, de rancœurs, comme dans nos repas de famille. C’est avant tout une indication des partis avec lesquels l’informateur essaye de travailler, et de ceux qu’il essaye de laisser sur le bord de la route.
Ce dîner, c’est un peu le dîner de l’avent. Quatre weekends avant Noël, on entre dans une drôle de période, où les enfants commencent à décompter les jours. Il y a même dans certaines familles un calendrier de l’avent avec des petites fenêtres à ouvrir. Samedi soir, Paul Magnette a donc fait une sorte de dîner de l’avent. De l’avant négociation, avant tractation, une réunion de l’avant-garde d’une majorité qu’il essaierait de mettre en place. Ce n’est pas encore le repas de Noël, les huîtres et le foie gras ne sont pas encore achetés, le champagne n’est pas encore au frigo, mais on essaye de vérifier que les convives peuvent s’entendre, qu’ils ont suffisamment de sujets de conversation pour envisager de faire la fête tous ensemble. Une sorte de répétition générale dont on a exclu les râleurs et les casses-ambiance. Pendant ce repas on a évidement choyé les libéraux. Les francophones parce qu’ils viennent de changer de président, mais surtout les flamands, parce que ce sont eux qui ont le plus à perdre dans un réveillon aux couleurs de l’arc en ciel. L’Open VLD de Gwendoline Rutten est en gouvernement au niveau flamand avec la NVA et le CD&V. C’est difficile d’être une fois à table avec les uns, une fois à table avec les autres. Pour notre cuisinier en chef, il faut donc démontrer que le repas de Noël sera festif et pas si à gauche que cela. Que d’accord, il y aura plein de socialistes et d’écologistes mais que, non, on ne reviendra pas sur la retraite à 67 ans, ni sur les voitures de société. Il va falloir les choyer les libéraux, leur démontrer qu’accepter l’invitation n’est pas infamant, que la chaise est confortable et qu’il y a dans l’assiette des recettes qui peuvent leur plaire aussi.
Du coté des râleurs, Bart De Wever a déjà sorti l’artillerie lourde. “Le VLD envisage de faire payer des milliards aux Flamands, de mettre sous pression l’emploi et les entreprises et d’ouvrir le robinet de l’immigration. On a du mal à croire que la base de ce parti suivra sans réagir cette folie qui ne représente qu’un Flamand sur 3″. L’oncle Bart lance ses torpilles, on imagine sa nièce Gwendoline qui se tortille. Est-ce qu’elle restera, ou est-ce qu’elle ne restera pas à table? La réponse dépend maintenant des libéraux flamands. S’ils restent à table un gouvernement sous le sapin est possible. S’ils disent non, Paul Magnette retournera à Charleroi et on recommencera à zéro. C’est la différence entre un conte de Noël, ou une descente aux enfers. Les libéraux peuvent choisir de croire au père Noël, ou de déchirer les cadeaux. Avec une pression supplémentaire : il ne s’agit pas seulement d’assurer leur propre place au repas gouvernemental, mais bien de décider si la Belgique tout entière fêtera Noël ou pas.