Rue de la Loi : quand l’Open VLD fait de la Région bruxelloise l’otage de stratégies fédérales
Pendant cinq heures ils ont mangé, tapoté sur leurs smartphones, regardé le plafond. Les négociateurs bruxellois ont donc passé leur journée à attendre la délégation Open VLD. Gwendoline Rutten, descendue en personne au Parlement bruxellois pour tenter de convaincre les francophones que, oui, embarquer le MR est indispensable, si ce n’est au bon fonctionnement de la Région, au moins à la recherche d’une solution au fédéral. On pourrait dire que c’est un prêté pour un rendu. Les deux partis libéraux flamands et francophones tentaient par cette intervention de lier leurs sorts. Ce serait ensemble en Région bruxelloise et aussi ensemble au fédéral, dans une sorte de bloc compact qui aurait pesé plus lourd face au PS et à la N-VA. Il faut se rappeler aussi que c’est un retour d’ascenseur entre les deux partis libéraux. Il ya 5 ans l’Open VLD n’était initialement pas dans la majorité flamande. C’est en acceptant de monter dans la coalition dite ‘suédoise’ que les libéraux flamands étaient revenus dans la course et que Charles Michel avait convaincu Bart De Wever de les embarquer aussi en Flandre, alors qu’ils n’étaient pas numériquement indispensables. Cinq ans plus tard Gwendoline Rutten est en train de rembourser sa dette à Charles Michel.
Malgré l’insistance des libéraux flamands (outre les 5 heures perdues ce mardi, ils avaient déjà bloqué la journée de lundi et imposé une semaine de temporisation en début de négociation, toujours pour le même motif, ce qui ressemble à de l’obstination), rappeler le Mouvement Réformateur reste inenvisageable pour les autres partis francophones, mais aussi pour un parti comme Groen. D’abord pour des raisons qui sont liées au Mouvement Réformateur et à son programme jugé éloigné de celui des autres partis, en matière de mobilité ou de logement par exemple. Pour des raisons de calcul partisan ensuite. A Bruxelles le MR est un parti qui a clairement perdu les élections. 5 sièges en moins. Pour le faire entrer dans la coalition il faudrait retirer un poste de ministre à Défi, qui a lui gardé le même nombre de députés, ou un poste de secrétaire d’Etat qu’il faudrait prendre au PS (3 députés en moins mais premier parti) ou à Ecolo, grand gagnant des élections. On comprend aisément que les 3 partis concernés aient bloqué net.
Il y a aussi des raisons qui sont liées à l’Open VLD : lui aussi en recul, autrefois premier parti néerlandophone de la capitale, il a perdu près de 10% aux dernières élections et a été dépassé par Groen. A l’intérieur de l’Open VLD on voit bien que c’est la présidente nationale Gwendoline Rutten qui impose désormais ses vues aux négociateurs bruxellois. Cela crée un véritable précédent, car c’est la première fois qu’un parti flamand essaye à ce point de dicter sa loi sur ce qui se passe du coté francophone. Dans le passé, il y a eu à 5 reprises des gouvernements ou les libéraux flamands et francophones n’étaient pas ensemble, cela n’a jamais posé de problème. Surtout, cette stratégie de négociation n’est plus dictée par des raisonnements bruxellois mais par des intérêts strictement flamands ou fédéraux. L’expression est forte mais elle n’est pas galvaudé: on peut dire ce soir que l’Open VLD a pris en otage la négociation bruxelloise. Que les libéraux flamands le font bien en service commandé pour le parti de Charles Michel. Mais le plus important, et qui doit nous amener à réfléchir, est que l’Open VLD, puisqu’il est indispensable à une majorité dans le camp néerlandophone, soit en mesure de tout bloquer avec seulement 3 députés. Qu’il n’a recueillis le 26 mai que 11.000 suffrages. On a longtemps craint qu’un jour le Vlaams Belang ou la NVA ne puissent bloquer la Région Bruxelloise pour des raisons communautaires. Ce sont les libéraux néerlandophones qui ont finalement essayé de le faire pour un motif partisan. Cela pose désormais la question de la viabilité des institutions bruxelloises et de la représentation garantie accordée aux partis néerlandophones.