Rue de la Loi : pourquoi ils se battent sur une révision de la Constitution

Faut-il réviser la constitution ? Depuis plusieurs semaines les partis politiques se positionnent sur cette question. Chacun avance avec des objectifs qui lui sont propres. Il y a ceux qui seraient prêts à ouvrir un maximum d’articles à révision. C’est le cas de la N-VA pour qui voudrait pouvoir envisager  une grande réforme de l’État aussi vite que possible, même si c’est théorique, faute de majorité. Il y a ceux qui veulent ouvrir des articles  dans le but de garantir de nouveaux droits aux citoyens, par exemple un droit à l’énergie, un droit à la mobilité durable ou la ratification de certains traités internationaux, aujourd’hui impossible, une position défendue par le PS et Défi par exemple. Et puis il y a ceux qui refusent toute ouverture d’articles à réviser, pas besoin de toucher à la constitution maintenant, c’est communautairement trop dangereux ou inutile,  position défendue par le MR et jusqu’à présent par le CD&V.

Pourquoi ouvrir un article à révision ? Parce que la constitution l’impose. Cette procédure en deux temps, pendant une législature on ouvre,  pendant la  suivante, on révise, permet d’éviter les coups de sang parlementaires. La constitution est une vieille dame, il faut prendre son temps quand on veut la réformer.

À chaque fin de législature ce débat a donc lieu. La particularité cette fois-ci c’est que l’idée d’une loi climat s’est incrusté dans ce débat constitutionnel. Nous avons donc deux débats en un, ce qui ne simplifie pas les choses. Pour avoir une loi climat ambitieuse, qui s’imposerait au pouvoir fédéral mais aussi aux régions il faudrait toucher à cette fameuse constitution, c’est en tout cas ce que souhaite Ecolo et Groen avec le soutien du Parti Socialiste et du CDH. Côté flamand N-VA, Open VLD et CD&V ne veulent pas en entendre parler. Le MR est également contre. Il estime qu’on peut avoir des objectifs climatiques ambitieux sans passer par des changements institutionnels.

Ne pas toucher à la constitution, est-ce donc enterrer le projet d’une loi Climat ? Probablement dans sa forme la plus ambitieuse. Même si le chef de groupe MR David Clarinval affirmait ce mardi matin qu’il ferait ce mercredi une autre proposition tout aussi ambitieuse mais sans toucher à la constitution.

Vous suivez toujours ? Accrochez-vous, car les choses se compliquent encore. Pour ouvrir des articles à révision, il faut en réalité 3 déclarations de révision. Une de la chambre, une du sénat, une du gouvernement. On ouvre à révision les articles qui se trouvent dans les 3 listes. Ce qui est simple en temps normal, quand la majorité vote comme un seul homme, l’est beaucoup moins dans la configuration actuelle avec un gouvernement en affaires courantes et une majorité parlementaire qui est devenue minoritaire. En commission de révision Hendrik Vuye (prof de droit, ancien membre de la NVA avant qu’il ne fonde son propre groupe) affirmait d’ailleurs qu’un gouvernement en affaires courantes ne pouvait pas adopter une telle liste, ce qui ajoute une couche d’incertitude supplémentaire (pour Patrick Dewael, Open VLD, le gouvernement pourrait malgré tout prendre acte d’une liste approuvée par la Chambre et le Sénat). Siegfried Bracke, président de la Chambre, qui s’était entretenu avec  Charles Michel la semaine passée sur ce dossier, a d’ailleurs indiqué qu’il n’était pas exclu que le gouvernement fédéral bloque toute révision. Cette hypothèse a eu le don d’irriter l’opposition (Laurette Onkelinx a évoqué un « holdup démocratique de la part d’un gouvernement moribond ») mais aussi certains partenaires de la majorité (« ce serait indécent que le gouvernement ne suive pas la Chambre et le Sénat » a estimé Patrick Dewael pour l’Open VLD).

Ce matin la commission de révision n’a pas réellement tranché. Elle poursuivra ses travaux la semaine prochaine. Pour la loi climat, ce sera demain en commission santé publique, avec comme hypothèse privilégiée la négociation d’un accord de coopération (à négocier entre les entités fédérées après les prochaines élections, donc). Les deux débats qui devaient n’en faire qu’un vont donc continuer de vivre séparément.

Pour la constitution deux scénarios coexistent : soit une majorité se dégage pour ouvrir une nombre limité d’articles à révision (mais il faut encore définir lesquels) et les chambres sont dissoutes 40 jours avant l’élection. Soit il n’y pas d’accord, la constitution sera intouchable pendant la prochaine législature (soit jusque 2024 sauf incident)… et le parlement risque de travailler jusque fin mai. C’est ce qui s’appelle faire durer le plaisir. En théorie. Car en pratique les parlementaires ont une campagne à mener. Fin avril, début mai, il est fort probable qu’ils ne viendront plus au parlement.

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