Rue de la Loi : pourquoi il faut s’intéresser au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (J+23)
Une semaine après les parlements wallon et bruxellois, deux jours avant le parlement fédéral. Ce mardi c’est au tour du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (les anciens disent Communauté française) d’être installé. Certains y verront une assemblée inutile et une bizarrerie institutionnelle en soi : le parlement siège tous les 15 jours à Bruxelles mais est majoritairement constitué de parlementaires wallons (les 75 élus du parlement de Wallonie sont membres de droit de celui de la fédération) auquel on a ajouté 19 députés bruxellois francophones désignés par leurs pairs la semaine dernière. Il fallait pourtant bien une instance pour réunir tous les francophones et gérer les matières communes, on n’imagine pas un gouvernement sans parlement.
Parmi les nouveaux députés bruxellois qui siégeront donc à la fédération on peut noter l’arrivée de Delphine Chabbert et Martin Casier (PS), d’Alexia Bertrand (MR) de Rajae Marouane et Kalvin Soiresse (Ecolo). Jean-Pierre Kerckhofs, Elisa Groppi et Luc Vancauwenberge représenteront le PTB et le seul siège bruxellois du cdH sera pour Bertin Mampaka. Tous prêteront donc serment ce mardi à 14h. Pour les uns, simple formalité, pour les autres, un moment un peu plus émouvant, car leur matière de prédilection (éducation, culture) relève de cette assemblée et non du parlement régional. Cette désignation indirecte est l’un des maux de cette assemblée souvent déconsidérée, où le taux d’absentéisme atteint des records et où seuls les plus motivés s’investissent vraiment (et pour le dire clairement : ce sont les parlementaires wallons qui brillent souvent par leur absence, préférant les matières régionales -l’économie, l’urbanisme, l’énergie- à celles de la communauté et considérant ces séances à Bruxelles comme une petite punition).
Pourtant les enjeux de la fédération seront cruciaux dans les années à venir. D’abord le pacte d’excellence, refonte de la cave au grenier de notre système d’enseignement, qu’il faudra suivre (et financer) pas à pas. La défection du CDH fragilise l’édifice qui risque de se retrouver au cœur des négociations de la future majorité wallonne (surtout si le MR, qui n’a pas caché son hostilité au pacte, devait en faire partie). Ensuite l’endettement croissant de la fédération, épinglé par une étude universitaire namuroise : 8 milliards aujourd’hui (contre 3 en 1999), 11 milliards dans quelques années à trajectoire inchangée. Or il n’y a pas 25 manières de faire des économies à la Communauté. Certes on peut un peu raboter le budget de la RTBF ou celui de la culture qui est pourtant presque à sec, mais les grandes masses (plus de 8 milliards) se trouvent du coté de l’enseignement. Réduire le nombre d’enseignants serait la seule option réellement efficace budgétairement et c’est justement incompatible avec les objectifs du Pacte d’excellence. Obtenir un refinancement de la communauté est la seule alternative possible pour un niveau de pouvoir qui n’a pas la main sur son propre financement (le budget de la fédération est essentiellement alimenté par des dotations provenant des recettes TVA, pour plus de 7 milliards, et de l’impôt des personnes physiques prélevés et reversés par le fédéral).
Tout ceci ne sera évidemment pas abordé lors de cette première séance qui se contentera de valider l’élection, d’entendre les prestations de serments et de désigner un bureau provisoire qui sera présidé par Philippe Courard (PS). Avec une bizarrerie, quand même, à souligner. La ministre de la Culture et de l’Enfance du gouvernement sortant, Alda Gréoli a été désignée comme cheffe de groupe par le cdH. Elle est pourtant ministre « en affaires courantes » jusqu’à la désignation d’un nouvel exécutif dont on a compris qu’elle peut prendre un certain temps. Cela signifiera qu’elle participera à la conférence des présidents qui fixe l’ordre du jour… alors qu’en temps que ministre elle pourrait fort bien se faire interpeller par les parlementaires. Le rôle d’un parlement est de contrôler exécutif. Etre ministre et chef de groupe en même temps c’est le contrôlé qui devient contrôleur en chef, même si c’est de manière temporaire. On est plus à une bizarrerie institutionnelle près.