Rue de la Loi : parler de sexe (et surtout d’amour) à l’école
“Dis Papa, c’est quoi un homosexuel ? Dans ma classe il y a un garçon, il a deux mamans, c’est bizarre, non ? Et à quoi ca sert un préservatif ?” Voici le genre de question que vos enfants, ou les enfants de vos enfants, ou les enfants du voisin vous ont peut-être posé. Elles sont peut-être naives, maladroites, rigolotes, ces questions. Pourtant elles existent, les enfants, la séxualité ça les inéresse. Longtemps, on a jugé que le sujet était tabou. Un héritage de notre culture judéo-chrétienne ou musulmane, une gêne, un malaise. On ne parlait pas beaucoup de ces choses-là entre adultes, alors avec les enfants vous comprenez bien…
Une cigogne passe, les garçons naissent dans les choux, les petites filles dans les roses. Au mieux il y a l’intervention d’une petite graine. Derrière ces questions d’enfants, il y a la construction d’une image de la sexualité pour l’adulte qu’ils deviendront plus tard. Et ce n’est pas qu’une question d’éducation sexuelle. Savoir comment on fait un enfant. Savoir comment l’éviter, par la contraception. Savoir aussi le plaisir qu’on peut en retirer. Longtemps on a coupé l’éducation sexuelle des notions d’amour, de respect, de différence. Avec les cours d’éducation à la vie relationnelle affective et sentimentale (EVRAS dans le jargon des spécialistes) on a enfin réuni les questions de sexualité et d’amour. Avec ce paradoxe, que c’est dans ces temps modernes non pas la sexualité qui est le tabou, mais l’amour. Dans ces cours d’éducation à la vie affective, on doit donc parler d’amour. Et expliquer que derrière l’acte sexuel il y a un autre être humain et qu’on lui doit le respect. Qu’estimer que les femmes sont au service de l’homme dans la sexualité ce n’est pas vrai. Que dans le reste de la vie en société ce n’est pas vrai non plus. Nous sommes 50 ans près mai 68, les hommes et les femmes sont égaux . Et oui, aussi parfois un homme aime un homme, et une femme aime une femme, cet amour n’est ni supérieur ni inférieur à un amour hétérosexuel, et cela ne doit pas être un tabou non plus.
Ce vendredi la ministre de l’éducation Caroline Désir confirme que ces cours sont désormais bien obligatoires, que cela doit commencer dès la maternelle et qu’il n’est plus questions que les écoles s’y dérobent. Et elle ajoute que ce sont bien des intervenants extérieurs aux écoles et agréés par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui animeront ces discussions avec les élèves “pour éviter tout dérapage”. Alors bien-sur il faut se mettre à la portée des enfants. Employer leurs mots. Ne pas les choquer, mais être capable de répondre à leurs questions. On aurait tort de prendre ces cours d’éducation sexuelle à la légère. D’abord parce que si on ne les fait pas les enfants, les ados iront s’informer sur internet. On est pas sur que ce qu’ils trouveront sur Youporn ou ailleurs soit le modèle qu’on veut qu’ils aient en tète. Et surtout on voudrait que pour tous les enfants, les notions de respect, de droit à la différence, d’égalité entre les hommes et les femmes, de consentement avant une relation sexuelle soit bien intégrés. Si on veut éviter les #meetoo, les balance ton porc, les sifflements en rue, le harcèlement, le viol, l’homophobie, c’est par l’éduction qu’on peut y arriver. Et l’éducation, même s’il va y avoir des parents grincheux, même s’il va y avoir des directeurs d’écoles ou des pouvoirs organisateurs réticents et des professeurs de religieux contrariés, c’est quand même à l’école qu’on doit la faire.