Rue de la Loi : Magnette, le plombier carolo

Faut-il ou pas jouer les prolongations ? C’est peut-être la question que le roi Philippe et l’informateur Paul Magnette  ont du se poser ce lundi. Cette mission qu’on voulait courte au début, genre formule express, 10 jours pas plus avant de rendre un premier rapport, dans le style publicité d’un journal de petites annonces : votre plombier, Paul Magnette, débouche la canalisation fédérale en moins d’une semaine, travail soigné et garantie sans apport de la NVA, satisfait ou remboursé, avec devis sur demande, est en train de s’installer dans le temps.

On peut y voir un bon ou un mauvais signe. Le bon signe c’est que la mission dure parce qu’elle ne fait pas du surplace. Elle n’aboutira peut être pas cette mission, mais elle ne s’est pas encore fracassée contre un mur. Tant qu”il y a du mouvement, il y a de la vie, la Belgique politique n’est pas complètement morte. Mieux même, on entend des voix au CD&V et surtout à l’Open VLD, le parti social chrétien et le parti libéral flamands pour dire désormais qu’on peut envisager de monter dans un gouvernement fédéral sans la NVA. Ce sont des voix minoritaires, contestataires, même, mais ce discours-là était inaudible il y a un mois encore. La mission du plombier Magnette a donc permis de faire sauter un premier bouchon. Champagne ! Et tant qu’on entend des voix, on y croit. Il est donc important que ces voix s’expriment, pour qu’on ait le sentiment qu’une marge de manœuvre existe et que la mission Magnette n’est pas condamnée. Même si sœur Anne ne voit toujours pas la coalition venir, tant qu’on entendra des voix, l’espoir est là et le plombier n’ira pas sur le bûcher.

Coté  revers de la médaille, une mission qui se prolonge est une mission qui s’enlise. Et de ce point de vue là, Paul Magnette a certes fait un peu bouger les lignes, il a changé de méthode, dégagé des consensus sur des grands thèmes, poussé les uns et les autres à parler de contenu avant de parler coalition, parler politique avant de parler stratégies. C’est bien. Mais ce n’est pas assez. Il faut que le changement de style s’accompagne aussi d’un changement de résultat. Il faut que des partis politiques bougent. Qu’ils acceptent de monter dans une coalition où leur concurrent électoral ne figurent pas. En d’autres termes, il faut qu’ils acceptent de prendre un risque politique. Pour que l’arc-en-ciel existe vraiment, il ne suffit pas qu’on entende des voix, il faut qu’on le voit. En politique ce n’est pas Jeanne d’Arc qui décide c’est Saint-Thomas. A titre personnel, notre plombier n’aurait d’ailleurs pas intérêt à s’éterniser. Plus il s’installe dans le costume de l’informateur, moins il endosse sa salopette de président du PS. Et passer d’un costume à l’autre ne peut pas se faire en clin d’œil.

Ce samedi dans le journal Le Soir, un politologue, Vincent De Corbyter, et un constitutionaliste, Marc Uyttendaele assénaient leur conviction que la crise actuelle est bien plus grave que celle de 2010 quand nous étions resté 541 jours sans gouvernement. Parce que ni l’un ni l’autre ne voyaient de pistes pour s’en sortir, ils envisageaient même qu’il faille finalement se poser la question, par l’intermédiaire d’un référendum de savoir si les belges, francophones, flamands, bruxellois, wallons, germanophones, avaient toujours envie de rester dans le même pays, tous ensemble. Le problème d’un référendum, on le sait bien, c’est qu’on sait comment on pose la question, on ne sait jamais comment elle est comprise, ni quelle réponse on lui donne. Le référendum 1969 en France avec le Général de Gaulle, celui sur le traité de Maastricht en 1992, celui sur l’indépendance du Québec en 1995 ou le référendum sur le Brexit au Royaume Uni, en 2016 : nous collectionnons les exemples de référendum qui posaient en apparence de petites questions mais qui ont eu de grandes conséquences.

Est ce qu’on doit vraiment en arriver à débattre de la fin de la Belgique… si c’était le cas, on presserait le plombier Magnette d’accélérer ses travaux. Parce que SOS plombier prendrait tout son sens. On serait alors plus proche des égouts, que de l’eau du robinet.