Rue de la Loi : les négociateurs bruxellois visent toujours le 21 juillet (J+33)
Ce lundi sera une journée charnière (je n’ai pas écrit cruciale, n’exagérons pas). D’abord au niveau fédéral : les informateurs Didier Reynders et Johan Vande Lanotte feront rapport au roi. À première vue, les contacts qu’ils ont pu avoir ces deux dernières semaines, ont peut-être permis quelques mouvements, mais seulement à la marge. Sûrement pas suffisamment pour lancer de réelles négociations. Le Palais Royal devra donc soit prolonger leur mission (mais pour faire quoi ?), soit les remercier et ouvrir une nouvelle séquence (hypothèse la plus probable).
Aux niveaux wallons et flamands, les consultations se poursuivent. Bart De Wever entame un nouveau round avec le CD&V après avoir tiré en longueur avec le Vlaams Belang. Le formateur flamand prend son temps : du 6 au 14 juillet, il sera en voyage en Colombie. En Wallonie, les négociateurs PS-Ecolo entameront une réécriture de leurs « lignes directrices » après les remarques transmises par la société civile. Bref ces négociations ronronnent, on avance à un train de sénateur et on garde un œil sur ce qui se passe au fédéral.
À Bruxelles, en revanche, la journée de lundi sera déterminante. Pas pour connaitre la composition de la future majorité, mais bien pour le tempo des négociations. Le matin, les regards se tourneront vers le bureau de l’Open VLD, qui avait refusé d’entrer en négociations lundi dernier, ralentissant du coup le processus de formation du gouvernement régional. L’après-midi, sous réserve d’une décision favorable des libéraux flamands, se tiendra la première réunion plénière « officielle », avec l’ensemble des négociateurs. Une réunion qui servira notamment à fixer le cadre et le calendrier pour entrer, enfin, dans le vif du sujet.
Ces deux semaines de temporisation (la première décidée par prudence par les formateurs pour permettre aux autres niveaux de pouvoir d’adopter le tempo bruxellois, la seconde imposée par l’Open VLD pour ne pas se mettre en difficulté vis-à-vis de la partie d’échecs flamande) n’ont-elles servies à rien ? La réponse est non. Certes, il n’y a pas eu de réelle négociation politique, mais un « groupe technique » a bien pu se réunir mercredi toute la journée. Autour de la table, les « sherpas » (ceux qui tiennent la plume et conseillent les négociateurs, le plus souvent des chefs de cabinet) ont repris la note transmise par les formateurs et l’ont parcourue toute la journée. Chacun a fait part de ses remarques ou de ses demandes d’ajout. Des contributions supplémentaires ont été annoncées, qui devront être intégrées pendant le week-end. On précisera que l’Open VLD a bien participé à la réunion de mercredi, signe que les libéraux flamands entendent toujours monter dans ce gouvernement. Parallèlement, les francophone ont également tenu deux réunions consacrées à la COCOF (la commission communautaire française).
Lundi, on s’attend donc à ce que Rudi Vervoort et Elke Van den Brandt présentent une nouvelle note. Plusieurs négociateurs espèrent que cette nouvelle version tiendra compte davantage de l’équilibre global, la mouture précédente ayant été considérée comme « trop proche du programme du PS ». Plus la note sera équilibrée, plus les négociations pourront s’enclencher rapidement, glisse un négociateur. Sans surprise, deux difficultés majeures ont été pointées : la mobilité et le budget.
Sur la mobilité, le débat reste donc de pouvoir financer d’autres politiques que la seule extension du métro. Trois nouvelles lignes de tram sont prévues dans le plan pluriannuel de la STIB, les écologistes trouvent l’effort insuffisant et demandent donc des marges supplémentaires pour en prévoir d’autres.
Côté budget, c’est Défi qui est en pointe en demandant à ce qu’on veille à rester dans l’orthodoxie budgétaire, sur le mode “pas d’endettement excessif”, qui finira toujours pas être payé par les Bruxellois. Et comme tout est dans tout, les négociateurs finiront forcément par évoquer le coût de l’extension du métro. Beliris (le fonds de l’état fédéral pour financer les grands travaux bruxellois) a prévu 50 millions par an pour les travaux du métro (sur 10 ans, soit 500 millions). Mais on sait que cela ne suffira pas et que la Région bruxelloise doit passer à la caisse pour le solde (le budget global de ce projet métro est désormais évalué à 1,8 milliard). L’un des débats, purement comptable, consistera à sortir ce budget métro de la colonne des dépenses pour le faire passer dans celle des investissements avec retombées économiques pour ne pas mettre le budget bruxellois dans le rouge. Toutes les formations semblent d’accord sur ce point, qui permettrait de respecter les normes « SEC 2010 » de l’Union Européenne… mais ça ne changerait rien à l’endettement à terme de la Région bruxelloise. Certains négociateurs sont d’autant plus inquiets que des décisions prises ces dernières années à la STIB mais aussi au sein de l’Agence Bruxelles Propreté ont « mangé » les marges budgétaires. Avec le regret pour les nouveaux venus que le refinancement de la Région bruxelloise ait déjà été entièrement grignoté par le gouvernement précédent et que la nouvelle équipe n’ait plus qu’à entériner les décisions du passé en souriant.
Àces deux difficultés majeures (les grands projets en mobilité et la maitrise du budget) s’ajoutent des surprises de dernière minute. Ainsi le journal Le Soir révèle que Défi aimerait obtenir des règles claires sur le port de signes convictionnels par les dépositaires de l’autorité publique ayant des fonctions exécutives. Comprenez que ce débat qui vise habituellement le personnel au guichet des administrations, glisserait vers les ministres, bourgmestres, échevins, dans l’exercice de leur fonction. Crispation en vue. Pour les uns, ce n’est pas le débat, on s’agite sur des problèmes qui n’existent pas. Pour d’autres, ce serait une mesure vexatoire qui enverrait un signal négatif. Difficile en tout cas de croire que l’idée passera telle quelle, sauf à être intégrée dans un volet plus large qui permettrait de lutter contre les discriminations et les inégalités.
Bref, les négociateurs ont du pain sur la planche. L’idée d’avoir un gouvernement pour le 21 juillet reste d’actualité. Il faudrait dans l’idéal que les négociateurs puissent boucler leurs travaux le dimanche 14. Les instances des différents partis se prononceraient alors le lundi 15. Une dernière relecture, la présentation du document à la presse, une dernière négociation pour répartir les portefeuilles ministériels (on murmure par exemple que l’Open VLD aimerait abandonner le budget et mettre la main sur l’économie), le vote de la déclaration de politique régionale pourrait être réglée pour le vendredi 19 juillet au Parlement bruxellois. Les nouveaux ministres (ou les anciens ministres qui seront reconduits) assisteraient ainsi aux festivités du 21 juillet auréolés de leurs nouvelles fonctions.
Pour cela, il faut d’abord que l’Open VLD décide de se lancer. Il faut aussi que la nouvelle version de la note du formateur soit perçue comme allant dans le bon sens. Réponse à ces deux questions lundi soir. Dans le cas contraire, une fois la fête nationale passée, il faudra demander aux parlementaires bruxellois de rester à portée de téléphone pour pouvoir voter à tout moment, et sans date butoir, à Bruxelles comme ailleurs, les négociations risquent de s’éterniser.