Rue de la Loi : le premier domino est tombé (J+205)
La formation d’un gouvernement fédéral est désormais un mélange de patience et de lego. Il faut essayer d’encastrer les briques les unes dans les autres, mais sans se presser, en ayant soin de regarder chaque hypothèse à toutes les étapes du processus. Après plus de 200 jours de mission diverses et variées aucun des informateurs missionnés par le souverain n’avait réellement dénoué l’écheveau : on pouvait privilégier un gouvernement avec le plus grand parti flamand, la N-VA, à l’intérieur (une coalition bourguignonne ) ou une gouvernement qui laissait ce parti nationaliste à l’extérieur (un “arc en ciel” plus ou moins élargi). Pendant plus de 200 jours, les deux hypothèses ont donc vécu, sans qu’aucune des deux ne soit invalidée. On pressait le CD&V et l’Open VLD de choisir mais ils s’en gardaient bien. Côté francophone le MR préférait avec la N-VA (“le plan A”) et le PS plutôt sans, mais personne ne fermait la porte à personne. Ce mardi le PS a donc acté que gouverner avec la N-VA n’était pas possible pour lui. Honnêtement on s’en doutait un peu, mais il fallait que ce soit explicitement dit. C’est donc fait par la voix de Rudy Demotte, d’abord à Sud Presse puis dans les médias audiovisuels du sud et du nord.
D’un point de vue libéral, cela clarifie les choses : le PS a enfin choisi et on sait désormais sur quel pied danser. D’un point de vue socialiste, c’était clair dès le début (“regardez ce que nous avions écrit dans la note Demotte-Bourgeois“) mais les partenaires potentiels continuaient de faire semblant de pas le savoir et de tourner autour du pot. D’un point de vue global on a franchi un petit palier : on a donc progressé, et c’est déjà cela. N’exagérons pas la portée du mouvement. Ce n’est pas parce que l’hypothèse de la majorité bourguignonne se referme que nous avons un gouvernement. Loin de là. Il va falloir que les autres partenaires acceptent d’entrer dans une négociation. Ce sera une formalité pour les écologistes qui ont depuis toujours qu’ils ne gouverneraient pas avec la N-VA. Cela le sera un peu moins pour le Mouvement Réformateur qui tient à avoir un programme socio-économique qui penche à droite et comptait sur les nationalistes pour faire contre-poids aux socialistes (ce matin Sabine Laruelle se contentait de “prendre acte”). Cela sera encore plus délicat pour le CD&V et l’Open VLD, en cartel avec les nationalistes au niveau flamand et qui ne prendront pas si facilement le risque d’apparaitre comme des traitres à l’électeur flamand, surtout que la N-VA ne manquera pas de les mettre sous pression. Ajoutez des sondages qui ne sont bons que pour le Vlaams Belang et vous comprenez que tout le monde est un peu tétanisé au mieux, en position football-panic au pire.
Pour l’instant nos briques de lego sont positionnées en mode domino. Le premier vient de tomber. Il va permettre à Georges-Louis Bouchez et Joachim Coens de pouvoir dire au Roi vendredi qu’une piste est fermée. Il en reste plusieurs autres. L’arc en ciel élargi (dites désormais la “coalition multicolore”) au CD&V ou au CDH. Un gouvernement d’union fédérale qui ferait appel à 8 partis (PS-SPA-MR-Open VLD- CD&V-CDH- Ecolo- Groen) sur le mode “tous unis contre les extrêmes”. Ou même un gouvernement minoritaire qui reléguerait le PS dans l’opposition et prendrait la N-VA en son sein et s’appuierait sur des majorités de circonstances (bonjour la collaboration avec le Belang). Sur ces hypothèses-là, il appartient donc au MR, à l’Open VLD et au CD&V de se prononcer. Il n’est pas sur qu’ils le fassent avant vendredi. Et on peut envisager qu’il faille attendre le début 2020… le discours royal de Noël pouvant opportunément porter conseil.