Rue de la Loi : et le communautaire revint au galop (J+165)
Peut-on réellement faire l’impasse sur les débats communautaires lorsqu’on négocie un gouvernement dans notre Belgique fédérale ? La réponse est définitivement non. Officiellement, on a mis le communautaire de coté pendant la législature passée. Officiellement toujours, on cherche une majorité simple, pas une majorité des deux tiers, depuis les élections de mai dernier : la réforme de l’État n’est pas à l’ordre du jour, il s’agit de faire un programme socio-économique, de savoir ce qu’on va faire avec la sécurité sociale, la fiscalité et le Brexit, avec un chouia de sécurité et d’immigration en plus. Dans les faits, pourtant, le communautaire est toujours là. Il était là à chaque fois que Theo Francken prenait des libertés avec la ligne officielle du gouvernement de Charles Michel, s’exposant à de relatifs “recadrages”. Il est de nouveau là dans ces négociations qui n’avancent pas. Paul Magnette d’abord, Rudy Demotte ensuite ont donc confirmé que ces dernières semaines, le parti de Bart De Wever a bien émis des demandes communautaires dans le cadre des négociations, et la N-VA ne les a pas démentis.
Lorsqu’un homme politique évoque la question communautaire, le débit ralentit, la voix se fait grave, le visage se ferme et le ton est solennel. Il s’agit de vous faire comprendre que le propos et le moment sont importants. Et que la perspective d’une nouvelle régionalisation, d’une scission de la sécurité sociale, d’un démantèlement de l’État, voire de la fin de la Belgique sont à l’ordre du jour. Ces dernières semaines, selon mes informations, les nationalistes flamands ont mis sur la table à l’occasion d’un groupe de travail le scénario de ministres séparés pour certaines politiques fédérales. Un ministre s’occuperait des francophones, un autres des néerlandophones, on pouvait même imaginer que les budgets seraient scindés. Une vieille idée qui date des années 70. Un moyen habile de procéder à une régionalisation de fait, sans même passer par la case révision de la constitution. Avec un danger évident pour les Bruxellois : il faudrait choisir entre la politique flamande ou la politique francophone, le meilleur moyen de diviser la ville en deux et lui imposer une cogestion de l’extérieur. Le paradoxe est que ce raidissement fut sans doute constaté dans les locaux du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles : c’est dans les locaux de ce parlement, présidé par Rudy Demotte que l’essentiel des pourparlers menés par les préformateurs (rien que des rencontres bilatérales, aucune plénière) ont été organisés. Cette tentative, même si elle fut discrète et sans réelle chance de succès, devrait servir de sonnette d’alarme côté francophone. Les nationalistes flamands ne renoncent en rien à leur projet confédéraliste. Dépasser les chamailleries partisanes et rebâtir un front francophone ne serait pas inopportun.
Bien sûr, on exagère un peu. Ce chiffon communautaire est un moyen de mettre la pression sur les autres partis dans un moment difficile et de sensibiliser l’opinion publique à de futurs renoncements. Ça marche d’ailleurs, puisqu’à l’Open VLD, Mathias De Clercq le bourgmestre de Gand plaide désormais pour un gouvernement arc-en-ciel, sans la N-VA. Une déclaration qui va à l’inverse de la position officielle affichée par les libéraux flamands jusqu’ici , une première brèche dans le front flamand. Ça ne sera pas suffisant. Et cela ne doit pas masquer que sur d’autres dossiers comme le refinancement de la sécurité sociale, la pension à 67 ans ou les économies à faire pour atteindre l’équilibre budgétaire, nos partis politiques sont aujourd’hui tellement éloignés, tellement antagonistes, qu’à la vérité, une négociation entre flamands et francophones, mais aussi entre gauche et droite, nous semble à ce stade, quasiment impossible à réussir.
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