Rue de la Loi : Bart De Wever et le sens de l’Etat (J+195)

La politique c’est fait pour servir et pas pour se servir. Servir les autres, c’est se mettre au service de la communauté, faire le bien au commun. Il faut être altruiste, désintéressé, avoir le sens du collectif. Un homme d’Etat sera celui qui mettra l’intérêt de la Nation au dessus de ses intérêts partisans. Il ou elle prendra des risques politiques, parce qu’il ou elle estime que ce qui est bon pour le pays doit l’emporter sur des calculs électoraux à court terme. Cette définition de l’homme/la femme d’Etat est un peu plus difficile à cerner dans la Belgique d’aujourd’hui. Parce qu’il faut d’abord définir la communauté dont on parle. Notre communauté nationale, celle qui pourrait faire de nous un homme ou une femme d’Etat, est-ce la Belgique tout entière ? Ou seulement une communauté : les francophones, les néerlandophones, voir même les habitants d’une seule région, les flamands, les bruxellois, les wallons ?

Cette question, qui pourrait vous paraître très théorique, est en réalité très concrète, pratique, triviale. On ne peut pas analyser la crise que nous traversons sans la poser. Les différents partis politiques qui tentent de former une coalition gouvernementale pensent d’abord à leurs résultats électoraux, ils anticipent la prochaine élection, qui pourrait tomber dans deux mois, dans un an, ou au plus tard dans 5 ans. C’est le règne de la petite phrase, du positionnement et du slogan. S’ils lèvent le nez de l’échéance électorale, ils pensent aux intérêts de leurs électeurs. On raisonne alors en terme de programmes, il faut des avancées, ce qui compte c’est une réforme, un projet, une amélioration de la compétitivité des entreprises, des conditions de vie, une défense de la sécurité sociale ou du pouvoir d’achat par exemple. Et s’ils prennent encore un peu plus de distance et de hauteur nos hommes/femmes politiques, vont même pouvoir s’éloigner de leurs programmes, penser à l’intérêt de la communauté, et ouvrir la voie à des compromis. S’il y a une mission qui exige de celui/celle qui la remplit qu’il s’élève à ce niveau-là, c’est bien celle d’informateur ou de formateur. Parce qu’il reçoit sa mission des mains du roi, l’informateur (c’est valable aussi pour le formateur, le démineur, l’explorateur ou plus tard, le/la premier.e ministre) est censé travailler au bénéfice de l’ensemble de la nation. Il n’est pas socialiste ou libéral, ni francophone ni flamand, il sert les intérêts de tous les belges. Se placer au dessus de la mêlée est une exigence , une condition sine qua non quand on accepte ce genre de mission .

Si le Roi accepte dans les prochaines heures la démission de Paul Magnette, Bart  De Wever, président de la NVA, a déjà annoncé qu’il était prêt à reprendre le flambeau.  C’est déjà assez singulier en soi qu’on propose au souverain d’être nommé informateur. Cela ne se serait pas fait il y a dix ans de cela, on avait trop de respect pour la personne royale, on n’aurait pas osé émettre une suggestion qui peut passer pour une tentative de forcer la main du souverain. Mais il y a mieux encore  : les propos tenus par Bart De Wever à la VRT. Le président de la NVA y critique la mission menée par l’informateur “ j’ai rencontré Paul Magnette. Il a tellement le goût de sa bouillie arc-en-ciel en bouche qu’il faudra beaucoup de dentifrice flamand pour se laver la bouche”. Bart De Wever n’oublie pas de dire qu’avec la note Magnette, il faudrait des “milliards pour entretenir les électeurs passifs du sud de pays”.

Et Bart De Wever de poursuivre que s’il est désigné par le Roi, on ne repartira pas de zéro mais de moins 20 tellement l’ambiance politique est devenue mauvaise. “Dentifrice, entretenir, électeurs passifs.” C’est difficile d’être plus méprisant, arrogant, injurieux que Bart De Wever, voici donc un président de parti qui est ouvertement candidat à  une mission d’informateur, mais qui se comporte exactement comme s’il était en campagne électorale. C’est comme si on invitait Bart De Wever  pour une réception au Palais, mais qu’il arrivait en training pour y pratiquer le combat de rue. La raison en est très simple. La communauté au nom de laquelle travaille Bart De Wever ne sera jamais la Belgique. Il ne défendra jamais l’intérêt de tous les Belges. Il sera toujours au service de la Flandre au mieux, du nationalisme flamand au pire.