Quand l’intime devient politique, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce jeudi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le retrait se Sophie Wilmès de ses fonctions pour raisons familiales
Peut-on choisir entre ses obligations professionnelles et sa vie de famille ? Doit-on choisir entre sa vie professionnelle et sa vie de famille ? Sophie Wilmès, ministre des Affaires étrangères, a donc été confrontée à cette question. Elle a choisi, et c’est un choix qui ne sera pas sans conséquences.
La ministre des Affaires étrangères a ainsi créé la surprise ce matin en annonçant qu’elle se mettait en congé de son mandat ministériel. Un message émouvant, où elle indique que son époux souffre d’un cancer du cerveau. “Être ministre exige rigueur, disponibilité et un engagement total qui ne me permettraient pas d’apporter l’aide et le réconfort dont son mari et ses enfants auront besoin… Je souhaite être présente auprès de lui et mener ce combat avec lui et nos enfants“, explique la vice première ministre dans son communiqué. À ce stade, Sophie Wilmès ne démissionne pas. Elle se met en congé sans solde et réévaluera la situation dans le courant de l’été.
Alors humainement, on ne peut que respecter la décision de Sophie Wilmès. Cette décision, elle n’est sûrement pas facile à prendre. Renoncer à un mandat ministériel, c’est prendre le risque de contrarier sa carrière politique. C’est le genre de dilemme auquel de nombreux citoyens, vous, moi, votre voisin, ont été, un jour, confronté ou pourront un jour être confronté. Cela rappelle qu’un homme ou une femme politique, au-delà de ses fonctions, c’est aussi un individu comme les autres. Qui peut rencontrer les mêmes problèmes, les mêmes drames, connaître les mêmes souffrances que tout un chacun.
La particularité de Sophie Wilmès, c’est que son choix ne peut évidemment pas rester dans la sphère privée. Sa décision est forcément amenée à être commentée, analysée, discutée. Face aux drames familiaux, la sagesse consiste à ne pas juger. À ne pas tenter de se mettre à la place de l’autre. Nous ne sommes pas à la place de Sophie Wilmès, ce serait bien présomptueux vouloir lui conseiller quoi que ce soit. Cette réponse-là appartient à chacun d’entre nous en fonction de la situation familiale, de nos valeurs, de nos parcours de vie. On se rappellera juste que pendant des mois, Sophie Wilmès nous a recommandé de prendre soin de nous et des autres. Cette phrase qui résonne particulièrement alors qu’elle fait le choix de prendre soin des siens.
Dans sa sagesse politique, la vice-première ministre annonce qu’elle se met en congé sans solde de sa fonction. Elle ne percevra donc aucune indemnité dans les semaines et mois à venir. Une manière de couper court aux éventuelles polémiques politiciennes. On se rappelle que dans des circonstances tout aussi privées, le pas de côté de Stéphane Roberti avait provoqué de vives critiques, pas toujours très respectueuses de l’homme en difficulté qu’il était. On imagine bien que la violence verbale qui existe au niveau d’une modeste commune pourrait être décuplée au Parlement fédéral.
Ça, c’est peut-être une leçon qui dépasse le cas Wilmès. Que faisons-nous lorsque nous sommes confrontés à la maladie d’un proche ? Pas le petit rhume, mais une maladie lourde dont on sait qu’elle risque d’entraîner une perte d’autonomie et qu’elle requiert une présence de tous les instants. Sans doute que Sophie Wilmès a les moyens de pouvoir se priver volontairement de revenus pour quelques mois. Pour d’autres citoyens, c’est beaucoup plus problématique ou même impossible. Quand on parle de réformer la sécurité sociale ou d’instaurer une allocation universelle, quand on évoque les aidants proches, ou d’autres revenus de remplacement, le fait de démissionner, sans avoir droit au chômage, la décision de Sophie Wilmès est un exemple utile, qu’on pourra avoir à l’esprit.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley