Nucléaire : opération rustine, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce mardi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le futur des centrales nucléaires.

Prolonger ou pas nos centrales nucléaires ?  Depuis des mois, la question avive la polémique dans les couloirs de la rue de la Loi. Elle reviendra demain sur la table du gouvernement. Avec une nouvelle proposition portée par la ministre de l’Énergie : celle d’une mini prolongation, pour un hiver seulement. 

Cette nouvelle proposition est motivée par un rapport arrivé sur la table du gouvernement fédéral et dont l’Écho et le Soir ont pu rendre compte dans leurs éditions de ce mardi matin. Un rapport d’Elia pour les capacités en électricité et de Fluxys pour les capacités en gaz d’ici à l’horizon 2030. Ce rapport est plutôt rassurant pour l’hiver actuel ainsi que pour l’hiver prochain. En revanche, il est plus critique pour l’hiver de la fin 2025- début 2026. 

Il est important de comprendre pourquoi cet hiver-là et pas les autres. Théoriquement en 2025 nous aurons éteint les trois plus vieux réacteurs, Tihange 1, Doel 1 et Doel 2. Et nous n’aurons pas encore redémarré les deux réacteurs les plus récents, Doel 4 et Tihange 3. D’abord, parce que les négociations entre l’État Fédéral et Engie n’ont pas encore abouti sur ce redémarrage. On ne s’est notamment pas mis d’accord sur la prise en charge des déchets nucléaires qui sont actuellement à la charge d’Engie et que l’opérateur aimerait refiler à l’État Fédéral. Mais aussi surtout puisque même en cas d’accord, il faudra des travaux de maintenance et de sécurité. On ne pourra pas refaire partir ces réacteurs avant 2026. 

L’idée de Tinne Van der Straeten, la ministre de l’Énergie, est la suivante :  économiser sur notre consommation en uranium pendant l’année 2025, de manière à reporter la production de nos trois plus vieilles centrales dans le courant de l’hiver 2025-2026. Un décalage dans le temps de quelques mois qui permettrait de passer cette période où nous sommes traditionnellement, c’est une question de climat, de gros consommateurs d’énergie. Après 2026, les deux centrales les plus récentes reprendraient du service, les plus âgées seraient démantelées. 

En réalité, c’est une double prolongation que Tinne Van der Straeten met sur la table. Une courte prolongation pour les vieilles centrales, une longue prolongation pour les moins vieilles. Ce scénario dépend quand même de deux éléments que la ministre ne contrôle pas : un, il faut que l’agence fédérale de contrôle nucléaire donne son feu vert en matière de sécurité. Deux, il faut que l’on aboutisse à un accord avec Engie, alors que pour l’instant, on semble dans un bras de fer qui n’avance pas beaucoup. 

En cas d’accord, il faudra revoir la loi sur la sortie du nucléaire. Dans celle-ci, la fermeture des réacteurs est déjà programmée : février 2025 pour Doel 1, octobre 2025 pour Tihange 1 par exemple. Cela signifie un passage par le Parlement. Un exercice à haut risque tant on sait que les partis sont divisés sur la question.  Même si après les remous des dernières semaines, tout le monde a sans doute bien compris qu’une nouvelle foire d’empoigne pourrait être fatale à la majorité en place. 

Ce scénario sera débattu demain à 17h en conseil restreint. Politiquement, cette nouvelle proposition une évolution importante de la ministre Groen. Pour justifier son changement de position, la ministre peut s’appuyer sur le rapport d’Elia qui s’alarme des ratés des centrales françaises. C’est d’ailleurs paradoxal : c’est quand le nucléaire français montre ses limites que le nucléaire belge pourrait être sauvé d’une disparition programmée depuis 20 ans.  Cela prouve une fois à quel point nous avons été mal préparés à cette sortie du nucléaire. Ça ne date pas de la majorité, Vivaldi. Mais de tous les gouvernements qui l’ont précédée. 

■ Un édito de Fabrice Grosfilley

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06 décembre 2022 - 18h00
Modifié le 06 décembre 2022 - 18h00