Mémoire et contestation : l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce mercredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito les points de vue de certains Russes sur les décisions de Vladimir Poutine.
Un tweet, une déclaration, quelques démissions, des manifestations. Ce serait évidemment une erreur de penser que toute la Russie se retrouve comme un seul homme derrière Vladimir Poutine. Il est vrai, l’invasion de l’Ukraine est aussi contestée par certains Russes.
Le tweet le plus remarqué, aujourd’hui, c’est celui d’Alexeï Navalny. Le célèbre opposant qui est enfermé dans un camp de détention a posté sur le réseau social un message où il affirme que « Poutine n’est pas la Russie ». Que les Russes devaient être fiers des 6824 personnes qui ont été arrêtés ces derniers jours pour avoir eu le courage de manifester contre la guerre. Navalny appelle les Russes à continuer à manifester « ne devenons pas une nation de gens silencieux et effrayés » a-t-il écrit.
Autre intervention remarquée, celle de Garry Kasparov, le célèbre champion d’échecs des années 80. Il vit désormais en exil à New-York et a renoncé à sa nationalité russe. “Les crimes de guerre à échelle industrielle ne sont pas nouveaux pour Poutine, dit-il. Poutine ne s’est jamais inquiété des victimes civiles quand il bombardait il y a plus de 20 ans les citoyens russes de Tchétchénie ou des hôpitaux en Syrie“.
Ces propos de Kasparov, nous font frémir. Parce que la guerre de Tchétchénie avec son cortège d’exactions plus violentes les unes que les autres et la Syrie où l’armée russe bombardait des hôpitaux, des marchés, des mosquées dans la ville d’Alep, sont des rappels particulièrement cruels du savoir-faire de l’armée russe en matière de massacre des populations. La guerre de Tchétchénie entre 1999 et 2004 a fait selon les estimations entre 100 000 à 300 000 morts parmi la population tchétchène. La bataille d’Alep, où la Russie intervenait en appui de l’armée syrienne, c’est 21 500 victimes civiles.
Je rappelle, ces chiffres pour que l’on soit tous bien conscients du peu de cas que l’on fait des civils dans ce genre d’opérations militaires. Les soldats belges sont ou seront dans les prochains jours stationnés en Roumanie. Ils seront amenés à surveiller de l’autre côté de la frontière, une armée qui fait rarement dans la dentelle. Que des voix dissidentes s’élèvent en Russie est, évidemment, une lueur d’espoir. « Tout le monde en Russie ne soutient pas l’invasion » soulignait Alexander de Croo à la Chambre, aujourd’hui. De là, penser que le pouvoir de Poutine s’effrite et que les protestations internes iront en s’accentuant, c’est aller un peu vite en besogne. La guerre de Tchétchénie aussi était contestée par certains Russes. Cela ne l’a pas empêchée de se poursuivre pendant 5 ans.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley