L’intérêt des enfants, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce mercredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la réforme des rythmes scolaires.
À l’heure où je prononce ces mots, le nouveau calendrier scolaire de la Fédération Wallonie -Bruxelles n’est pas encore voté. C’est une question de minutes ou une question d’heures. Avec un suspens très relatif, le bruit qui entoure cette décision ressemble à une agitation de dernière minute.
Cette réforme, vous la connaissez. Elle consiste à organiser notre enseignement suivant un rythme régulier et immuable : 7 semaines de cours, deux semaines de congés… Un canevas recommandé depuis longtemps par les pédagogues. Il permet de respecter au mieux le rythme biologique des enfants, avec des phases de récupération ni trop courtes ni trop longues, les semaines de vacances supplémentaires qu’on place à la Toussaint ou à carnaval étant compensées par des vacances d’été légèrement raccourcies, on sortira à l’avenir de l’école début juillet et non plus fin juin, et on rentrera fin août au lieu du premier septembre.
Cette réforme est sur les rails depuis des années. Débattue et redébattue au cours des législatures précédentes. Incorporée au pacte d’excellence. Coulée dans l’accord de gouvernement et votée sans discussion par la commission de l’éducation. Et pourtant, depuis quelques jours, une série de parlementaires voudraient qu’on sursoie à son application. Sur le thème, c’est une bonne réforme, mais elle arrive trop tôt. Repoussons-la d’un an, voire plus, le temps que la communauté flamande décide d’adopter le même rythme que nous.
Alors évidemment, on comprend bien que pour quelques parents qui ont un enfant dans l’enseignement francophone et un autre dans l’enseignement flamand, ce décalage pose un petit souci d’organisation. Toute la question est de savoir combien de familles seraient concernées ? Quelques centaines ? Au pire quelques milliers ? Pour rappel, il y a 700 000 élèves dans l’enseignement obligatoire, primaire et secondaire côté francophone. Ça monte à 900 000 si on ajoute les élèves de maternelle. Peut-on sérieusement décider de ne pas appliquer une réforme qui est dans l’intérêt de l’immense majorité des enfants parce qu’une poignée de parents éprouve des soucis d’organisation ?
On peut quand même douter de l’ampleur de ces perturbations. L’année scolaire pour rappel, c’est 40 semaines de cours pour 12 semaines de vacances. S’il y a des parents qui peut-être prennent 12 semaines de congés pour les passer intégralement avec leurs enfants, on va se dire qu’ils ont beaucoup de chance, Mais que surtout ils sont très peu représentatifs de la réalité de notre société.
Cette mise en avant de faux problèmes ou de problèmes mineurs est très révélatrice d’une manière assez délétère de faire de la politique. Prétendre qu’il faudrait attendre que la communauté flamande adopte le même rythme mériterait une grande distinction en termes de lâcheté politique. D’abord parce qu’on n’a aucune prise sur ce que décidera la communauté flamande, ensuite parce que si on paye des députés, c’est pour qu’ils prennent des décisions. Pas pour qu’ils attendent que le Parlement flamand les prennent à leur place.
Ce soir, des parlementaires de l’opposition et peut-être même de la majorité vont voter contre cette réforme ou s’abstenir. Un signal électoral qu’ils envoient à quelques parents dont ils pourraient se sentir proches. Parfois l’expression d’un conservatisme, parce que toute réforme nous ferait un peu peur. Dans les deux cas, un positionnement purement politicien. À tous ces élus qui vont trouver que la réforme est bonne sur le fond, mais qu’il y a une bonne raison de ne pas l’approuver, on ne donne qu’un seul conseil, dont on espère qu’il sera validé par les profs de français : relire Tartuffe.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley