L’incertitude du 9 mai, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce mardi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la date emblématique de la fête de l’Armistice russe qui aura lieu le 9 mai et l’importance de ce jour dans la communication politique.
Sommes-nous proches de la fin ou bien n’est-ce qu’un début ? Le 9 mai sera une date charnière dans la suite de la guerre en Ukraine. Mais pour l’instant, c’est toujours Vladimir Poutine qui a les cartes en main.
Le 9 mai, on y sera donc dans moins d’une semaine. Ce sera le jour d’un grand défilé militaire sur la place rouge. C’est ce jour-là que la Russie célèbre l’armistice de la guerre de 39-45. Le jour de la victoire sur l’Allemagne nazie, qu’on célèbre donc le 8 mai chez nous. Pour la petite histoire, s’il y a deux dates, c’est pour une histoire de fuseau horaire, mais aussi parce qu’il y eut deux signatures de l’Armistice. La première, le 7 mai à Reims, en France, entre autorités militaires, avec notamment le général Eisenhower. Signer en France n’était pas du goût de Staline qui a alors exigé une seconde cérémonie. Elle sera ainsi organisée le 8 mai dans la ville de Berlin, la capitale allemande dont l’armée soviétique avait pris le contrôle. Au moment de la signature, il est 23 h 16, heure de Bruxelles. Mais 00 h 16, heure de Moscou. C’est la raison pour laquelle nous avons un jour de décalage.
Le 9 mai est de ce fait toujours un moment privilégié pour la communication politique des autorités russes. Que ce soit une communication à usage interne vers la population russe ou pour l’international. On sort ses ogives nucléaires et on aligne ses dignitaires. On bande les muscles pour impressionner l’opinion, sachant que l’on capte avec ces images l’attention du monde entier. Ce qui était vrai pour l’Union soviétique hier l’est aussi pour Vladimir Poutine aujourd’hui.
Quel sens le président russe donnera-t-il à cette date charnière, lui qui a placé l’invasion de l’Ukraine sous le signe de la lutte contre le nazisme. Pour beaucoup d’analystes, la date du 9 mai aurait initialement pu servir de date butoir. En ayant pris le contrôle du Donbass et de tout le littoral de la mer d’Azov, la Russie aurait pu annoncer ce jour-là qu’elle a sécurisé un large espace où se trouvent des populations russophones, que l’ennemi nazi, comme elle l’appelle, a reculé et qu’il existe désormais une zone tampon qui la sépare des alliés de l’Otan. Le problème de ce scénario, c’est que cette zone est loin d’être sécurisée. Il existe des poches de résistance notamment à Marioupol et l’armée ukrainienne est loin d’avoir capitulé.
La seconde option est celle d’une escalade supplémentaire. Le 9 mai, face à la nation et fort de l’étalage de sa puissance militaire, Vladimir Poutine pourrait tout aussi bien annoncer qu’il faut enclencher la vitesse supérieure. Que le soutien des pays de l’Otan au régime ukrainien est la preuve du danger qu’il dénonçait, qu’on ne peut plus se contenter d’une opération spéciale, mais qu’il faut dorénavant déclencher une vraie guerre. Ce qui veut dire mobiliser des civils, rappeler des réservistes, enclencher d’autres combats, éventuellement ouvrir d’autres fronts.
Ces dernières heures, on a donc pu noter une nouvelle offensive sur Marioupol, plus précisément sur le complexe industriel d’Azovstal, qui est désormais bombardé par les airs. Peut-être le dernier assaut avant que les forces ukrainiennes ne soient contraintes de capituler. Peut-être pas. Il y a deux jours, on a aussi observé que des avions de reconnaissance russes violaient l’espace aérien des pays scandinaves. Peut-être une simple provocation. Peut-être pas. Emmanuel Macron a eu aujourd’hui une nouvelle conversation avec Vladimir Poutine. La première depuis le massacre de Boucha. L’échange téléphonique a duré deux heures. Peut-être une reprise du dialogue diplomatique. Peut-être pas. La vérité est que nous sommes dans une grande incertitude. Et que nous pourrions basculer le 9 mai vers le meilleur, mais peut-être aussi vers le pire.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley