L’état de droit, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce vendredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la décision de la Cour d’assises d’ordonner le démontage des boxes des accusés du procès des attentats de Bruxelles

Pas de box individuels fermés pour les accusés du procès des attentats. Ainsi en a décidé la présidente de la Cour d’assises de ce procès très attendu. Le ministère de la Justice a désormais un mois pour trouver une autre solution.

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Ces boxes, vous en avez sûrement entendu parler. Ils permettaient de faire comparaître les 10 accusés les uns à côté de l’autre, mais séparés par une paroi vitrée. Vitre blindée, bien sûr. Une garantie de sécurité pour le ministère de la Justice et le parquet fédéral qui estiment ces accusés dangereux et ne veulent prendre aucun risque. Une facilité aussi, il faut bien le dire, avec de tels boxes, le nombre de policiers qui sont nécessaires dans la salle d’audience pouvait être divisés par deux ou par trois.

Pour les avocats de la défense, ces boxes contrariaient la sérénité du procès. Sur un plan pratique d’abord. Isolé dans une cage de verre, avec seulement un petit trou pour passer, des documents, les accusés auraient eu du mal à communiquer avec leurs avocats. Sur un plan symbolique, ensuite, comparaître dans un box exigu et sécurisé entrait en contradiction avec le principe qui veut qu’un accusé a droit à la présomption d’innocence, et que, tant le tribunal ne s’est pas prononcé, il n’est pas considéré comme coupable.

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La polémique enflait, elle est donc définitivement tranchée par la présidente de la Cour d’assises qui a estimé que la configuration actuelle des boxes violait l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, article qui précise que chacun a droit à un procès équitable. En droit, chaque mot à son importance. C’est bien la configuration actuelle dont la présidente ordonne le démontage, ça ne veut donc pas dire qu’il n’y aura aucun boxe à l’ouverture du procès. Un grand boxe collectif par exemple serait possible. La magistrate a précisé que c’était au pouvoir exécutif, ainsi au ministère de la Justice, qu’il appartenait de décider comment faire.

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Au ministère, on a désormais un mois pour trouver la parade. Un peu moins d’un mois, puisque le procès doit reprendre le 10 octobre. C’est évidemment une situation inconfortable, et cela, d’autant plus que dès le début, des magistrats avaient attiré l’attention sur le caractère excessif du dispositif imaginé. Le parquet fédéral n’avait pas voulu entendre les objections. Il est donc désavoué. C’est même un sérieux désaveu puisque la chambre des mises en accusation avait aussi ordonné hier la libération des frères Farisi, là aussi contre l’avis du parquet fédéral.

En réalité, chacun est dans son rôle. Le parquet fédéral qui poursuit et s’inquiète de la sécurité publique. La chambre des mises en accusation et la présidente de la Cour d’assises qui doivent trouver le point d’équilibre entre les impératifs de sécurité et le respect des règles de droit. Et même si cela donne une image un peu croquignolesque de cet avant procès avec des hommes et des femmes de droit qui ne sont pas tous d’accord, cela démontre que la présomption d’innocence et les droits de la défense sont des principes avec lesquels on ne transige pas.

Cela rappelle à tout le monde que la Belgique est un état de droit. À l’exact opposé d’un régime autoritaire et dictatorial. Et maintenir ces principes en toutes circonstances, c’est montrer, y compris aux terroristes qui nous ont frappé, que la démocratie ne recule pas.

Un édito de Fabrice Grosfilley

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16 septembre 2022 - 17h39
Modifié le 16 septembre 2022 - 17h39