L’Etat belge face à ceux qui le menace, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce jeudi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la justice et la sécurité.

Et si la sécurité n’allait pas de soi ? C’est la question qu’on est sans doute amené à se poser ce jeudi soir avec deux actualités qui se télescopent : d’un côté un ministre de la Justice placé sous protection, et de l’autre des accusés qui se plaignent de violences policières.

D’abord le ministre de la Justice, dont on a appris aujourd’hui qu’il vivait à nouveau sous haute protection. Ce qui signifie que lui et sa famille sont désormais à nouveau dans une résidence sécurisée, à l’écart du monde. « De nouveaux éléments apparus dans le dossier » justifieraient cette décision. En clair, les enquêteurs ont des informations qui laissent penser qu’une tentative d’enlèvement est de nouveau en cours ou en préparation.

Qu’on essaye de s’en prendre au ministre de la Justice est un symbole fort. Le signal d’un État qui est en train de combattre un ennemi qui ne recule devant rien, et qui n’exclut pas de faire plier l’État belge. Cet ennemi, on le connaît, c’est le trafic de drogue. Un trafic omniprésent à Anvers qui est l’une des portes d’entrée de la cocaïne en Europe. Mais qu’on retrouve dans toute la Belgique avec des laboratoires clandestins et des réseaux de revente puissants et bien organisés.

Les policiers et les magistrats le savent bien : la drogue génère un chiffre d’affaires colossal. Une économie parallèle qui propose des activités délictueuses, mais plus lucratives que les vrais emplois. S’attaquer à cette pieuvre qui va du petit dealer jusqu’au chef de gang plus puissant qu’un homme d’affaires est une question de survie. Si on n’arrête pas la machine infernale maintenant, c’est non seulement l’État, mais aussi notre vie en société qui sera en péril. Derrière Vincent Van Quickenborne c’est bien la Belgique dans son ensemble et en particulier sa police et sa justice qu’on essaye de déstabiliser.

L’autre actualité de cette journée, c’est le départ des accusés du procès des attentats du 22 mars qui ont décidé de quitter la salle d’audience. Une politique de la chaise vide après un examen médical, preuve à l’appui, que l’un d’entre eux a subi des violences lors de son transfert au tribunal. D’après son récit, une clef de bras à hauteur de la gorge qui l’a laissé inconscient. Alors évidemment, il est difficile de savoir ce qui s’est exactement passé entre ce prévenu et le policier qui l’escortait, mais le fait qu’un médecin constate qu’il y a bien eu des traces de coups mérite au minimum une explication.

La Belgique est un État de droit, elle ne peut pas se permettre de violenter des accusés, qui même s’ils ne sont pas des enfants de chœurs, sont présumés innocents jusqu’à la fin du procès. Ce qui se passe est grave. Même si on imagine bien qu’il y a pu y avoir de la provocation ou un refus d’obtempérer de la part de l’accusé, il est impératif de trouver des méthodes moins violentes. Pour bien comprendre, il faut savoir que les prévenus ne sont pas autorisés à refuser de comparaître. On va continuer à les extraire chaque matin de leur cellule, quitte à ce qu’ils demandent à repartir dans l’autre sens une fois arrivés à l’audience.

La Présidente de la cour d’assises a fait parvenir un courrier à Vincent Van Quickenborne pour lui expliquer la situation et les doléances de ces accusés. C’est là que les deux informations se rejoignent. Là et aussi dans ce sentiment que la justice et la sécurité ne sont jamais acquises pour toujours. Qu’il nous faut rester vigilants chaque jour. Être conscient qu’après la réalité de l’agression terroriste, nous faisons face à une autre menace, celle des narcos trafiquants. Et que ce n’est qu’en réaffirmant nos principes de droits, en refusant de répondre aux provocations et aussi en se donnant les moyens de contrer ces différents types de criminalités, que nous pourrons résister aux coups de boutoir.

■ Un édito de Fabrice Grosfilley