Les leçons de Liz Truss, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce jeudi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la démission de la Première ministre britannique Liz Truss
44 jours. C’est le temps qu’aura duré le mandat de Liz Truss à la tête du gouvernement britannique. La Première ministre a annoncé aujourd’hui qu’elle démissionnait après avoir passé 6 semaines seulement au 10 Downing street.
« Vu la situation, je ne peux pas remplir le mandat sur lequel j’ai été élue par le parti conservateur ». C’est par ces mots que Liz Truzz a annoncé sa démission en début d’après-midi. La situation, c’est celle d’une élue qui était lâchée de toute part. Critiquée en interne. Confrontée à une instabilité des marchés boursiers qui l’avaient contrainte à un virage à 180 degrés. Lâchée par ses propres ministres, la ministre de l’Intérieur, qui réclamait une politique migratoire plus stricte, avait quitté le gouvernement hier.
Si on fait le récit des événements, Liz Truss aura perdu le contrôle extrêmement vite. Le début de son mandat, c’est le 6 septembre. À ce moment-là, tout s’annonce bien. La veille, elle gagnait largement l’élection interne contre l’ancien ministre des Finances pour succéder à Boris Johnson, empêtré dans les scandales à répétition. Deux jours plus tard, c’est le décès de la reine Elisabeth II. Une fois la période de deuil passé, elle annonce un budget qui comprend 45 milliards de Livres de baisse d’impôts.
Nous sommes le 23 septembre, et c’est là que les ennuis commencent. À l’évidence, le budget sera en déséquilibre. Les marchés s’affolent. Le Fonds monétaire international réagit en soulignant que les inégalités vont s’accroître. Les taux d’intérêt partent à la hausse. Liz Truss revient sur son programme, renonce à baisser l’impôt des plus riches, change de ministre des Finances le 14 octobre. Croissance, croissance, croissance, répète-t-elle, affirmant qu’elle est absolument déterminée à poursuivre sa mission. Une détermination qui n’a pas résisté à l’avalanche des critiques et à un Parlement qui s’était transformé en cocotte-minute, et qui l’a copieusement hué lors de la séance d’hier.
Ce jeudi soir, les Britanniques sont donc de nouveau sans gouvernement. Le parti conservateur, qui a la majorité au Parlement, annonce qu’il désignera un nouveau Premier ministre le 28 octobre. Il n’est pas exclu que Boris Johnson tente de faire son come-back. Même si dans l’opposition, on réclame désormais l’organisation d’élections anticipées.
Quelles leçons pouvons-nous tirer, nous, à Bruxelles, de cet épisode ? D’abord que le sérieux n’est pas une option. Que présenter un budget qui ne tient pas la route ne pardonne pas. Que gagner une élection en doublant son adversaire par la droite, c’est un grand classique de la politique, mais qu’une fois aux affaires, on a toujours intérêt à se recentrer. Le challenger de Liz Truss, celui qui a été battu, c’était le précédent ministre des Finances. Et il avait dit que le projet de sa concurrente ne tenait pas la route. Les membres du parti conservateur n’ont pas voulu l’écouter, ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes.
Deuxième leçon, la difficulté de la situation économique n’épargne personne. Qu’on soit dans l’Union européenne ou qu’on ait décidé d’en sortir. L’impact de la guerre en Ukraine est une source d’instabilité pour l’Europe occidentale dans son ensemble. Et enfin 3e point. On ne gouverne pas contre les marchés. Et le paradoxe ici est que ces marchés ont sanctionné une politique qui est était ultralibérale. Trop libérale, ont jugé les investisseurs. L’effet Liz Truss, c’est donc que c’est la bourse qui a rappelé au politique que la paix sociale et un minimum d’équité sont indispensables au bon fonctionnement de notre société.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley