Les étoiles brillent plus en Flandre, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce lundi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la gastronomie bruxelloise.
Plus d’étoiles pour la Flandre, et moins d’étoiles pour les Bruxellois. Voici en très rapide résumé le bilan du guide Michelin pour l’année 2022. Un résumé qui n’est pas loin de déboucher sur une conclusion qui tire vers l’amertume : Bruxelles est bien la capitale du pays, mais ce n’est peut-être pas (ou peut-être plus) sa capitale gastronomique.
L’information a commencé à tourner en boucle à midi, à l’heure du repas. Le « Comme chez soi » perd une étoile. Le fleuron de la gastronomie bruxelloise n’a plus le prestige d’antan. 3 étoiles du temps de Pierre Wynants, il avait perdu un macaron en 2006 lors du passage de relais à Lionel Rigolet, le gendre de Pierre Wynants. On est 16 ans plus tard et c’est la deuxième étoile qui disparaît. Ajouter Christophe Hardiquest qui a décidé de fermer “Bon Bon” et ses deux étoiles, cela fait 3 étoiles de perdues pour la région bruxelloise.
À titre personnel, je n’ai jamais été mangé au « Comme chez soi », ou chez « Bon bon » ce qui ne m’empêche pas de saliver à la lecture de leurs menus. L’imagination précède l’estomac. La capacité à accorder les saveurs, à trouver de nouveaux équilibres, à sublimer les produits, à surprendre tout en mobilisant la vue, l’odorat, le goût élèvent les grands chefs au rang d’artistes. On éprouve pour tous ceux qui travaillent dans ces grandes cuisines une forme d’admiration. Même si cette admiration reste teintée d’une petite mauvaise conscience. Est-il juste de dépenser des centaines d’euros pour un repas, quand le même budget suffirait pour nourrir une famille nombreuse pendant des semaines ? Pour 80% des Bruxellois, la gastronomie ressemble à l’inaccessible étoile comme dirait Jacques Brel. Peut-être qu’en période de crise économique, les palais les plus fortunés ne doivent pas l’oublier.
Cette remise des étoiles Michelin, ce midi, avait tout d’une grand-messe. Avec ses heureux et ses déçus. Une sorte d’examen annuel, qui permet de relancer la machine à réservation et accessoirement les affaires de l’éditeur. Avec un sérieux bémol cette année. Le guide Michelin édition du Benelux ne sera plus imprimé en version papier. Ce sera désormais un guide en ligne. Moins cher, évident. Un signe du temps qui passe, comme ces étoiles des grands restaurants qui palissent. Comme les émissions de téléréalité qui disent les goûts d’aujourd’hui font les succès de demain. Ou le référencement des internautes qui joue dorénavant un rôle non-négligeable dans les chiffres d’affaires.
Ce classement Michelin, il sera commenté, disséqué, contesté dans les prochains jours. En jetant un œil aux 16 nouveaux restaurants qui décrochent leur première étoile, on est évidemment frappé de constater qu’il n’y en a aucun en Région Bruxelloise. Qu’il y en a trois en Région Wallonne, deux au Grand-Duché du Luxembourg et 12 en Flandre. Parmi eux, 5 nouveaux promus, presqu’un tiers de cette nouvelle cohorte se trouve en province d’Anvers. On ne peut empêcher que le talent se rapproche du portefeuille des clients bien sûr. Mais il y a une seconde constatation qui saute aux yeux. C’est que sur 16 cuisiniers récompensés, il n’y a aucune femme. Là, on ne sait pas si c’est le guide Michelin en particulier ou le monde de la cuisine en général, mais il y a au moins un des deux pour qui la modernité ne fait pas partie du menu.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley