L’édito de Fabrice Grosfilley : ne pas oublier
C’était il y a 7 ans. Et comme pour chaque événement de grande envergure, on dit souvent que tout le monde se rappelle ce qu’il se faisait à ce moment-là. Le 22 mars 2016. À 7h58, une première bombe à l’aéroport (en réalité, il y en a trois, dont une qui n’explosera pas). À 9h11, seconde déflagration, dans le métro cette fois, à la station Maelbeek. 32 morts, 340 blessés. Des vies ôtées à tout jamais, d’autres qui sont cabossées pour toujours. Le souvenir de l’horreur pour ceux qui ont été les témoins directs des explosions. Le rappel de l’angoisse et du chaos pour tous ceux qui étaient un peu plus loin.
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Dans les minutes qui ont suivi ces attentats, la ville s’est figée. Transports à l’arrêt, consigne de la police de rester chez soi, télécommunications coupées. Pour beaucoup, l’inquiétude de ne pouvoir joindre un proche qui aurait pu se trouver dans le métro. L’attente des nouvelles, on campe près du téléphone. Les chaines de télévision et de radio diffusent des éditions spéciales. Nous sommes hébétés, hagards, scotchés. Ce n’est pas que le risque d’attentat ne nous était pas connu. Nous avons évidement suivi ce qui s’était passé à Paris les années précédentes. Nous savions que la police belge avait démantelé une cellule terroriste à Verviers, que les auteurs des attentats de Paris venaient de Belgique. C’est que nous ne voulions peut-être pas y croire. Et que même, nous avions été soulagés d’apprendre quelques jours plus tôt l’arrestation de Salah Abdselam et que nous pensions que le cauchemar était fini.
Sept ans plus tard, il est important de se souvenir. De se rappeler ce que nous avons vécu. De pouvoir en parler aussi. Parce que de nombreux traumatismes restent enfouis. Parce que la parole ne s’est pas libérée, parce que les traumatismes et les chagrins restent enfouis, qu’ils nous serrent la gorge, qu’ils nous bloquent encore parfois. Personnellement, le 22 mars 2016, je travaillais, et je m’apprêtais à passer à l’antenne lorsque l’annonce du premier attentat a commencé à circuler. Et comme beaucoup de journalistes, je n’ai pas vraiment eu le temps de réfléchir. Il a fallu organiser les éditions spéciales, prendre la responsabilité d’envoyer des reporters sur le terrain sans savoir ce qui les attendrait. Essayer de coordonner ce qui pouvait l’être. Réagir vite, travailler beaucoup, avec le sentiment que l’urgence ne permettait pas vraiment d’écouter ceux qui étaient en difficulté. Les angoisses, la peur, la tristesse, ça existe aussi dans les rédactions. Mais on s’enferme dans le travail et on n’y pense qu’après.
Cette année, cette commémoration intervient alors que nous sommes en pleine audition des victimes dans le procès qui va justement décider du sort des auteurs de ces attentats et de leurs complices. Le temps de la vérité judiciaire est arrivé. Avec certains qui accordent leur pardon, comme le basketteur Sebastien Bellin, et d’autre qui refusent ce terme et crient toute la colère qui les habite encore comme Walter Benjamin. Cette émotion leur appartient. Elle est fonction de la douleur, de la personnalité, des valeurs et du parcours que doit suivre chacune de ces victimes depuis 7 ans. Ce qui nous appartient à nous, qui ne sommes pas des victimes directes de ces attentats, mais qui en avons été des témoins proches, c’est de faire en sorte que ce souvenir ne s’éteigne pas. Et de se rappeler que la violence aveugle, le terrorisme, la mort des autres, quand on est un être humain digne de ce nom, ce n’est pas une option.
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Fabrice Grosfilley