L’édito de Fabrice Grosfilley : Grimbergen, là où la Flandre a renoncé au cordon sanitaire

Ce mercredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le cordon sanitaire et le nouveau bourgmestre de Grimbergen.

Le cordon sanitaire, vient-il de valser à la poubelle en Flandre ?  Peut-être bien. Dans ce cas, cette déchirure se passe aux portes de Bruxelles, sur la commune de Grimbergen.

Pour trouver Grimbergen, 37 000 habitants, c’est facile. Quand vous êtes à Laeken ou à Strombeek-Bever vous continuez vers le nord. Vous franchissez le ring et c’est là. Meise à l’ouest, Vilvorde à l’est, Grimbergen,  au milieu. Vous avez sûrement entendu parler des thermes de Grimbergen ou goûté la bière qui porte le nom de la commune. Depuis hier, il y a une autre raison de parler de Grimbergen. C’est un renversement d’alliance qui portera pour la première fois un bourgmestre d’extrême-droite au maïorat d’une commune flamande. 

L’extrême droite à Grimbergen ne porte pas le nom de Vlaams Belang. Elle s’appelle “Vernieuwing” (renouveau), une liste emmenée par Bart Laeremans. Depuis 2018, Renouveau est dans la majorité communale avec la N-VA et les libéraux de l’Open VLD, mais c’est l’Open VLD qui avait récupéré le poste de bourgmestre, même s’il avait fait 2 sièges de moins. Hier renversement d’alliance. On éjecte l’Open VLD et on prend le CD&V à sa place, et cette fois, c’est bien Bart Laeremans qui devient bourgmestre. 

Alors techniquement, ce n’est pas vraiment le Vlaams Belang qui prend le contrôle de la commune. Parce que Bart Laeremans a officiellement quitté le parti en 2015. Qu’il a fait campagne sous une autre bannière et qu’on va pouvoir  le classer  comme bourgmestre indépendant. Pour ceux qui ont un peu de mémoire, c’est un tour de passe-passe difficile à avaler. En tant que journaliste politique, j’ai vu pendant des années Bart Laeremans siéger à la Chambre dans les rangs du Vlaams Blok puis du Vlaams Belang. Je l’ai vu poser des questions systématiquement sur les étrangers, je l’ai vu  participer aux actions de chahut du Vlaams Belang, ou encore déposer des propositions de loi visant à faire interner les toxicomanes en hôpital psychiatrique ou à supprimer les facilités facilités dans les communes autour de Bruxelles. 

Bart Laeremans au côté de Gerolf Annemans a incarné l’extrême droite au Parlement fédéral. Et pas un petit peu ou par distraction. Il a siégé 15 ans sans discontinuer à la Chambre, de 1995 à 2010, et il a prolongé pendant 4 ans au Sénat jusqu’en 2014. Dire qu’aujourd’hui il serait étranger à ce parti, c’est comme prendre une bouteille de très mauvais vin, limite vinaigre, lui décoller son étiquette et décréter qu’il est devenu un excellent Bourgogne. A coté la dédiabolisation du RN de Marine Le Pen est un travail d’amateur.  On note que ce n’est pas la première fois que le Belang tente le coup. En 2019 à Ninove, c’est une liste Forza Ninove qui avait failli décrocher le maïorat. Même technique, officiellement ce n’était pas une liste du Vlaams belang. Ça en avait juste le goût, la couleur et le parfum. 

Cette fois-ci, le coup a réussi. Ce cordon sanitaire, dont on savait qu’il ne s’appliquait plus aux débats médiatiques mais dont on pensait qu’il était encore d’application lorsqu’il s’agit de former des exécutifs en Flandre, vient de céder, même si en Flandre, on va faire semblant de croire que non. C’est un bourgmestre de la liste Renouveau, pas un bourgmestre de Vlaams Belang, voyez-vous… Le parti qui permet cette mascarade et s’offre en marche-pied à l’extrême-droite est le CD&V, parti social chrétien dont Sammy Mahdi s’apprête à devenir probablement président. Finalement il suffit d’un petit changement de nom et de quelques années de patience pour qu’en Flandre l’extrême droite soit, pour certains, tout à fait, fréquentable. 

 Un édito de Fabrice Grosfilley