Le roi Philippe au Congo, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce mercredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le voyage royal en Afrique.

Le roi Philippe et la reine Mathilde se rendront au Congo. Un voyage officiel qui aura lieu du 6 au 10 mars et c’est dans trois semaines. L’annonce en a été faite aujourd’hui par le Palais royal. 

Un voyage officiel au Congo est toujours un événement. Le dernier déplacement d’un souverain belge remonte à 2010 et c’était pour le cinquantenaire de l’indépendance avec Albert II. Il y a deux ans, le roi Philippe avait déjà planifié un déplacement qui avait dû être reporté deux fois pour cause de Covid. Mais on se rappellera qu’il avait reçu Felix Tshisekedi, huit mois après son investiture et surtout qu’il lui avait envoyé une lettre ou il faisait part de ses plus profonds regrets pour les blessures du passé, évoquant des actes de violence commis à l’époque de l’état indépendant du Congo, quand le pays appartenait à Léopold II, ou lors de la période coloniale qui a suivi. 

Ce voyage royal sera peut-être aussi l’occasion de restituer un certain nombre de biens au Congo. Une dent de Patrice Lumumba, dont le corps a été dissous dans l’acide par un gendarme belge, chargé de faire disparaître un cadavre encombrant après l’assassinat du leader congolais en 1961, des œuvres d’art qui sont dans les collections de Tervueren. Au-delà de ces restitutions, un débat sur la réparation de ces atrocités commises au nom de la colonisation. Sur la place des enfants métis arrachés à leur famille pour être envoyés en Belgique. Ou sur les nombreuses statues et plaques de rue qui glorifient, aujourd’hui encore, le passé colonial de la Belgique. La colonisation belge du Congo, selon l’historien auquel on s’adresse, c’est entre 5 et 10 millions de morts. 

Hasard du calendrier, l’annonce de ce voyage survient alors qu’un spectacle se joue ces jours-ci au théâtre 140. Ça s’appelle Congo Jazz Band et c’est encore à l’affiche ce soir et demain. Vous y verrez des acteurs noirs jouer le rôle des blancs. Et vous frémirez en les entendant prononcer 150 ans plus tard les propos crus que pouvaient échanger Léopold II, l’ancêtre du roi Philippe avec Henri Morton Stanley l’homme qui lui acheta le Congo. Vous entendrez comment on a coupé des mains. Comment on en a pillé les ressources. Comment on a organisé la désorganisation d’un pays dans lequel la Belgique ne joue politiquement plus aucun rôle… Mais où ses entreprises conservent bien plus qu’un pied-à-terre. Si on osait un conseil à sa Majesté le roi Philippe, ce serait d’aller voir cette pièce. Ce serait la meilleure préparation au voyage. Comprendre qu’il reste entre le Congo et la Belgique des tabous qui n’ont pas encore tous été levés. 

Un édito de Fabrice Grosfilley