Le foot, derrière la passion, l’identité ? l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce mercredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la fin de la carrière d’Eden Hazard chez les Diables Rouges et l’ascension de Yassine Bounou pour les Lions de l’Atlas.
Eden Hazard ne jouera plus en équipe de Belgique. Et on peut en éprouver de la tristesse. Yassine Bounou a qualifié l’équipe du Maroc et on peut en éprouver de la joie. Toutes ces émotions ne sont pas forcément contradictoires. La Coupe du monde de football dans une grande ville comme Bruxelles est un formidable révélateur de notre diversité culturelle.
Eden Hazard et l’équipe de Diables rouges, c’est fini. À 31 ans, le milieu de terrain a annoncé qu’il ne jouerait plus avec l’équipe nationale. “Merci pour votre soutien inégalable. Merci pour tout ce bonheur partagé depuis 2008. La relève est prête. Vous me manquerez.” Eden Hazard manquera sans doute aussi à ses supporters. 126 sélections, 33 buts, il a marqué l’histoire du football belge.
Ce soir ou demain, les télévisions et les journaux ne manqueront pas de revenir sur la carrière de ce joueur exceptionnel, et de tout ce qu’il a apporté aux Diables Rouges. Il y aura des remerciements, des hommages, des larmes au coin de l’œil. Pourtant, ce départ n’a rien d’illogique. On est arrivé à la fin d’un cycle. C’est une génération qui s’en va. Et toutes les bonnes choses ont une fin. Tout comme l’entraîneur Roberto Martinez, il est logique qu’Eden Hazard fasse également un pas de côté. La voiture Diable Rouge a besoin qu’on lui trouve un nouveau moteur.
Si les Diables Rouges de la génération Hazard, Kompany, Witsel, De Bruyne sont désormais sur le déclin, il y a une équipe qui en revanche est en pleine ascension, c’est celle du Maroc. Un peu comme si les deux équipes se croisaient dans un ascenseur. Il y a ceux qui descendent et ceux qui montent. Aux adieux d’Eden Hasard répond la gloire de Yassine Bounou. Le gardien de l’équipe marocaine en arrêtant deux penalties a fait plus que qualifier son équipe, il est devenu le héros de tout un peuple.
Yassine Bounou fait la fierté des Marocains. Et en particulier des Marocains de l’émigration. Parce que comme beaucoup de familles marocaines, ses parents étaient partis gagner leur vie à l’étranger. Il est né à Montréal au Canada. Puis la famille est rentrée à Casablanca. Il joue d’abord avec des équipes marocaines, ensuite à Madrid où il sera le remplaçant de Thibaut Courtois avant d’aller à Saragosse et d’atterrir au FC Séville. 1,90 m, il a un taux d’arrêt de 77 %. Cela veut dire qu’il arrête trois tirs sur 4.
Hier, dans les rues de Bruxelles, on a pu mesurer l’engouement populaire et la joie des supporters de l’équipe du Maroc. Il y a eu quelques incidents et des arrestations. C’est évidemment très regrettable, et cela dit sans doute quelque chose de ce besoin de casser qu’ont certains, mais ça ne doit pas masquer le fait que la grande majorité de la foule était joyeuse et bon enfant. Qu’il y avait un besoin de partager et d’exprimer sa joie.
Alors le paradoxe, c’est que certains Bruxellois aujourd’hui, et ils sont sûrement plus nombreux qu’on ne pense, peuvent éprouver de la tristesse ou de la déception à l’idée qu’Eden Hazard ne fera plus d’autres coupes du monde. Et en même temps une grande joie à l’idée que le Maroc atteigne les ¼ de finales. Dans certaines familles, on verra des grands frères qui ont rêvé d’être des Eden Hazard et des petits frères qui vont s’identifier à Yassine Bounou.
Ces supporters à deux casquettes sont la face visible de cette double appartenance qui fait la réalité culturelle de très nombreux Bruxellois. À voir le monde qu’il y avait hier dans les rues de Bruxelles ne concerne pas quelques dizaines de personnes, mais des milliers voire des dizaines de milliers. Et il est inutile, voire malsain, de demander à ces supporters s’ils se sentent d’abord belge ou d’abord marocain. D’en faire de grandes analyses sociopolitiques. Ils sont les deux. Et ils ne sont pas les seuls. À Bruxelles, il y a aussi des supporters de l’équipe de France, de celle du Portugal ou de l’équipe d’Italie par exemple. Et il n’y a pas de raison que l’on pose aux uns, des questions qu’on ne pose pas aux autres.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley