Le discours de Zelensky : l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce jeudi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le discours du Président ukrainien au Parlement belge.

“La bataille de Marioupol n’est pas moins terrible que la bataille d’Ypres. Elle est peut-être pire à Marioupol. C’est l’une des phrases choc prononcées par Volodymyr Zelenski, le Président ukrainien, à destination du Parlement belge.

La bataille d’Ypres, ou plutôt les batailles d’Ypres, car il y en a eu quatre au total, ont été celles où l’on a utilisé pour la première fois le gaz moutarde. Au moins 100 000 soldats ont perdu la vie rien qu’en 1915. Puis, ce sera ensuite une guerre des tranchées, des obus qui sifflent et un paysage où il ne reste que de la boue. Elle durera deux ans puis le front se déplacera à 10 kilomètres plus à l’Est  à Passchendaele et à Poelkappelle. On y tirera pas moins de 4 millions d’obus. 250 000 soldats Britanniques, et autant d’Allemands y laisseront leur peau.

Ce petit rappel historique, il est évidemment destiné à secouer l’opinion belge, en particulier l’opinion flamande, où le souvenir de la bataille de l’Yser reste vivace. Et même si la comparaison n’est pas la raison, ce parallèle établi par Volodymyr Zelensky nous aide à comprendre l’étendue de l’horreur de Marioupol. Les Ukrainiens n’y meurent peut-être pas dans la boue ou en inhalant des gaz moutarde, mais l’absence d’eau, de soins, de vivres, combinés à des bombardements incessants, transforment une grande ville prospère en un désert urbain. Il reste des immeubles à Marioupol, mais ils sont éventrés, soufflés, ou partiellement en ruine. 

« À Marioupol, on lutte contre la tyrannie qui veut diviser l’Europe et détruire ceux pour qui la liberté est essentielle » a lancé le Président ukrainien aux Belges qui l’écoutaient cet après-midi, avant d’épingler des domaines où nous pourrions prendre des sanctions, mais où ne l’avons pas encore fait.  « La paix a plus de valeur que les diamants, que les bateaux russes dans les ports, que le pétrole et le gaz russe ». Les diamants, le port d’Anvers, des intérêts très flamands, on le notera au passage. Le discours fut bref, quelques minutes, suivi par un tonnerre d’applaudissements.

C’est ensuite le Premier ministre Alexander De Croo qui a pris la parole, pour préciser qu’intervenir en Ukraine n’était pas possible pour l’OTAN. Ce serait une escalade, il y aurait encore plus de victimes, la guerre s’étendrait et nous éloignerait d’une solution. Même si Alexander De Croo a précisé que la Belgique avait choisi son camp et que la défense allait commander de nouvelles armes pour les livrer à l’Ukraine. 

Ce fut une séance émouvante. Sans doute pas pour Zelensky qui multiplie désormais les apparitions de ce type. Il l’avait déjà fait devant le Parlement européen, le congrès européen, le Bundestag allemand. Mais, une émotion pour nous. Pour prendre conscience qu’il y a la guerre à 2000 kilomètres de Bruxelles. Que cela fait 35 jours que ça dure. 35 jours que Marioupol est sous les bombes et qu’on n’a pas le droit de détourner les yeux. 

■ Un édito de Fabrice Grosfilley