Le débat de toutes les tensions, l’édito Fabrice Grosfilley
Ce mercredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le débat sur l’abattage sans étourdissement.
Rarement, un débat parlementaire aura suscité autant de passion. Faut-il ou pas interdire l’abattage sans étourdissement en région bruxelloise ? Ce matin, les députés de la Commission environnement du Parlement régional ont fixé un premier ordre du jour : celui des auditions. C’est une première étape, et elle attire déjà tous les regards.
Ce débat, vous le savez, il est la conséquence de la volonté d’un des partis de la majorité, en l’occurrence Défi, de faire avancer la lutte contre la souffrance animale. L’abattage sans étourdissement étant déjà interdit en Flandre et en Wallonie, ce parti a déposé une proposition d’ordonnance reprenant les mêmes dispositions. Le problème est que le plus gros parti de la majorité bruxelloise, le PS ne veut pas entendre parler de cette proposition. Les socialistes ont déjà annoncé qu’ils voteraient contre cette proposition d’interdiction. Et voici la majorité qui soutient Rudi Vervoort, complétement divisée.
Pour éclairer leur décision, les parlementaires ont prévu trois journées complètes d’auditions. On entendra des juristes qui ont travaillé sur ces questions en Flandre ou au niveau européen, des représentants des abattoirs d’Anderlecht, la fédération des boucheries halals, des représentants, des vétérinaires et le conseil bruxellois du bien-être animal. Pour corser le tout, les députés devront aussi tenir compte de deux pétitions. Une lancée par Gaïa favorable à cette interdiction qui a réuni 70 000 signatures. Une autre organisée par un collectif citoyen pour la liberté de culte, qui s’y oppose, et qui aurait été signée par 100 000 personnes.
70 000 signatures d’un côté, 100 000 de l’autre, c’est clair, il n’est pas exclu que ces chiffres soient un petit peu gonflés, mais pour des parlementaires qui travaillent souvent dans l’indifférence générale, ce n’est pas rien. Ces chiffres indiquent l’intensité des convictions qui s’expriment soit en faveur du bien-être animal, soit en faveur du maintien des pratiques actuelles. Ces passions n’épargnent pas les parlementaires, avec des lignes de démarcation qui passent parfois à l’intérieur même des groupes politiques. Le débat se fera à couteaux tirés, si vous me permettez cette expression, et comme au final, il faudra bien qu’on vote pour ou contre cette proposition d’ordonnance, il y aura forcément des vainqueurs et des vaincus. Ce bras de fer annoncé ne sera probablement pas sans conséquence pour les élections de 2024. Les partis politiques qui ne seraient pas en phase avec leur électorat sur ce dossier ont de fortes chances d’y laisser des plumes.
Si on veut vraiment aller au bout de ce débat, ce serait de le limiter dans l’espace et dans le temps. Dans l’espace d’abord parce qu’il n’est pas exclu que les animaux qui ne seraient plus abattus à Bruxelles puissent l’être ailleurs. Dans le nord de la France par exemple, ce qui ne ferait que déplacer la souffrance animale. Et dans le temps parce qu’on n’est pas certain de la pérennité de l’abattoir. À ce jour, les activités d’abattage bénéficient d’un permis d’environnement jusqu’en 2028. Après cette date, c’est l’ensemble de l’aménagement de ce site qui pourra être repensé. En fonction de la santé économique des abattoirs, cela pourrait tout changer. Voici deux éléments que les parlementaires feraient bien de vérifier.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley