Le constat de notre impuissance, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce mardi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito l’impuissance de l’Europe occidentale face à la guerre en Ukraine.

Des bombardements, des exactions, des morts par dizaines, des expulsions de diplomates, des réfugiés qui arrivent chez nous par centaines.  C’est la litanie des informations qui concernent la guerre en Ukraine.  Avec aujourd’hui, le sentiment qu’on en revient à la case départ.

Depuis ce matin, il y a comme une évidence en Ukraine : c’est sur la région du Donbass que se concentre désormais l’offensive russe. Des dizaines de frappes aériennes. Des tirs d’artillerie et des troupes russes qui sont petit à petit en train de prendre le contrôle de toutes ces provinces de l’est du pays. Il reste une poche de résistance à Marioupol. Mais peut-être plus pour très longtemps. L’usine Azovstal, ce vaste complexe où sont retranchés des soldats ukrainiens, a été la cible de violents bombardements aujourd’hui.

La difficulté pour nous qui sommes confortablement installés en Europe occidentale consiste toujours à ne pas avoir cette tentation de tourner la tête. De baisser le regard, de passer à autre chose. Parce qu’elles sont dures ces images qui viennent d’Ukraine. Et on est d’ailleurs pas obligé de s’infliger les plus dures d’entre elles, surtout à l’heure du JT quand on est avec les enfants par exemple.  Au-delà des images, ce sont les informations en elle-même qui sont insoutenables, qui font état de viols, de massacres, de civils coincés sous les bombardements. Mais ne plus parler de l’Ukraine, ne plus vouloir y penser, c’est banaliser, accepter, baisser les bras. Une démobilisation sur laquelle le cynisme de l’agresseur a surement tablé. On oubliera l’Ukraine comme on a oublié la Tchétchénie ou la Syrie. Peut-être que notre fierté, notre honneur, sera justement, cette fois-ci, de refuser cette tentation confortable qui nous conduit vers l’indifférence avec un haussement d’épaules.

Le nombre d’Ukrainiens enregistrés en Belgique diminue mais le besoin d’accueil augmente

Que nous le voulions ou non, la guerre est donc présente dans nos quotidiens. Avec ces dizaines de milliers de réfugiés qui arrivent chez nous. Avec le prix des produits pétroliers ou des denrées alimentaires qui explosent. Le Fonds Monétaire International vient de revoir ses prévisions de croissance à la baisse. Le monde entier est touché. Pour la zone Euro, c’est un recul de 1,1 pourcent. Il sera plus sensible encore pour l’Allemagne, grosse consommatrice de gaz russe.  Qu’est-ce que la croissance, qu’est-ce que le prix d’un plein de carburant, quand on ôte des vies humaines à 2000 kilomètres de chez nous ?

Aujourd’hui, la Russie a aussi décidé d’expulser 21 diplomates belges. Des diplomates qui devront ainsi avoir quitté Moscou ou Saint-Pétersbourg dans les 15 jours. Petite mesure de représailles après que la Belgique ait décidé fin mars d’expulser…  21 diplomates russes. Œil pour œil, dent pour dent. Le genre de logique qui emmène vers toujours plus de confrontations. Un engrenage dont, ce mardi soir, on ne voit hélas plus tellement comment nous pourrions sortir. Il faut ce soir reconnaitre que nous ne sauverons pas l’Ukraine, dont une partie du territoire sera bientôt annexée de fait par son puissant et belliqueux voisin. Sans qu’aucune autre nation, aucun organisme international, aucune autorité morale, aucune conscience, n’ait eu assez de poids, pour pouvoir l’en empêcher. C’est une raison de plus pour ne pas détourner les yeux ou hausser les épaules. Avoir bien conscience des limites de notre action. Et de ce qu’il faudra bien un jour nommer :  un échec et le constat de notre impuissance.

Un édito de Fabrice Grosfilley