La justice avec sérénité : l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce lundi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le début du procès des attentats de Bruxelles.
Dix accusés, 900 parties civiles. Au minimum 6 mois d’audience… Le procès des attentats du 22 mars est un procès hors norme. Mais si on veut que la justice soit correctement rendue, il faudrait que cela, soit dans un calme relatif.
Si ce procès est exceptionnel, c’est parce que les faits en eux-mêmes sont hors norme. 32 victimes et 350 blessés. Ce double attentat qui a visé le métro et l’aéroport de Bruxelles s’inscrit dans la foulée des attentats de Paris. Revendiquées par l’organisation terroriste de l’État Islamique, ces attaques sont l’œuvre d’une seule et même cellule franco-belge, préparées en grande partie depuis Molenbeek et commanditées depuis la Syrie.
Pour les terroristes, il s’agissait de frapper l’Europe Occidentale en son cœur, de faire un maximum de victimes. Ce bilan de 32 morts et 350 blessés aurait pu être encore plus lourd si Mohammed Abrini à l’aéroport et Ossama Krayem dans le métro n’avaient pas renoncé à se faire exploser. Pourquoi ont-ils finalement décidé de faire demi-tour… cela fait partie des explications que les victimes et l’opinion publique, en général, pourraient attendre des interrogatoires à venir.
En attendant que le procès ne démarre vraiment, cette première journée a été, comme on s’y attendait, le cadre de violentes protestations contre le dispositif prévu par le ministère de la Justice. Ces fameux box de verre individuel, d’où les 9 accusés (le 10ᵉ est présumé décédé en Syrie) auront, semble-t-il, du mal à communiquer avec leurs avocats. Et ces avocats ont fait du bruit. Beaucoup de bruit.
“Que souhaite-t-on pendant les dix mois de débat ? Des détenus qui se taisent, car ils sont traités comme des bestiaux ? » a lancé Delphine Paci l’avocate de Salah Abdeslam. Sébastien Courtoy qui défend Smaïl Farisi a été encore loin plus loin « voulez-vous être la Présidente qui aura présidé le zoo d’Anvers ? s’ils avaient été des animaux qu’on avait mis dans ces cages, Gaïa les auraient déjà fait abattre ». Le verbe est haut, les avocats déterminés. Et c’est vrai qu’un accusé, même aux assises, doit pouvoir bénéficier de la présomption d’innocence. Mais la virulence des déclarations ne sert pas forcément les intérêts de la défense.
Car on ne doit pas l’oublier, les hommes qui sont dans ces fameuses cages aujourd’hui ne sont pas de tendres agneaux. Si on veut continuer à filer la métaphore animale, c’est bien l’État islamique qui a estimé que les koufars, les mécréants de Bruxelles ou d’ailleurs étaient moins que des chiens, et qu’on pouvait bien leur ôter la vie. Et si on a décidé de délocaliser ce procès qui se déroule ailleurs qu’au Palais de justice de la place Poeleart c’est parce qu’on n’est pas à l’abri d’un nouvel attentat, d’une tentative d’évasion, d’une prise d’otage. Et ces box de verre sont effectivement un moyen d’assurer plus de sécurité dans la salle d’audience. Est-ce disproportionné ou pas, c’est la présidente de la cour d’assises qui décidera. Le zoo, pour reprendre l’expression de Maître Courtois, était aujourd’hui autant dans l’outrance des avocats que dans les box eux-mêmes.
Un procès, c’est l’occasion de rendre justice. On ne réparera pas le mal qui a été fait, on ne pourra pas ramener les victimes à la vie, ni faire repousser les membres amputés, ni même guérir les traumatismes les plus profondément ancrés. Mais on pourra dans six mois ou un peu plus savoir que les coupables de ces atrocités ont été sanctionnés. Que leur procès a été juste et équitable. Qu’ils ont eu le droit à la défense, et même le droit à la parole. Mais qu’ils sont néanmoins punis. Parce que c’est juste. Et que le bruit fait autour de cette première audience ne peut pas nous distraire de cet objectif.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley