La caravane de la contestation, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce lundi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le blocage de Bruxelles par le “convoi de la liberté” qui n’a pas eu lieu.
Elle n’a donc pas fait long feu cette manifestation qui devait bloquer Bruxelles. Quelques dizaines de véhicules bloqués au Heysel et des manifestants qui rejoignent le centre-ville à pied. On était très loin du chaos et de la paralysie redoutée.
Quelques groupes épars de plusieurs dizaines de personnes. Des drapeaux français et canadien. Des petits regroupements place Sainte-Catherine au Cinquantenaire, avec la liberté pour principal slogan. L’autoproclamé convoi des libertés n’aura pas été si impressionnant. Les images tant redoutées d’affrontement violents et massifs à la mode gilet jaune ont pu être évitées. Il faut dire qu’un bon millier de policiers gardaient les entrées de Bruxelles depuis hier soir. Une partie des manifestants français, formant le gros des troupes de cette contestation européenne, a semble-t-il, changé leur plan préférant se diriger sur Strasbourg.
En milieu de journée, l’incident le plus notable aura été la confiscation de couteaux à cran d’arrêt et de cagoules masquant le visage. Comme l’a fait remarquer la police de Bruxelles se présenter armé à une manifestation qu’on prétend pacifique n’est pas la démarche la plus cohérente, mais on n’est pas à un paradoxe près. À propos d’arme, je signale que l’expression “faire long” signifiait à l’origine que la poudre qu’on avait chargée dans le canon, s’était consumée sans exploser. Elle avait fait long feu, elle avait fait pshitt en quelque sorte. Quand on dit que le rassemblement n’a pas fait long feu, c’est un autre paradoxe. On ne devrait pas employer la négation, mais l’usage, c’est malgré tout imposé, fin de la parenthèse.
Revenons à nos manifestants. Si on peut se réjouir qu’il n’y ait pas eu d’affrontements violents, cela n’interdit pas de s’interroger sur les motivations de ceux qui avaient fait le déplacement de Bruxelles. Dans nos rues, on trouvait aujourd’hui des nationalistes flamands, des gilets jaunes français, des membres de l’extrême droite de tous les pays et quelques militants plutôt très à gauche. Un rassemblement hétéroclite qui avait pour objectif de dire non aux mesures sanitaires, tout en sachant qu’elles ne sont pas les mêmes en France, aux Pays-Bas ou en Belgique. Et, au lieu d’un convoi des libertés, c’est surtout une caravane de la contestation qu’on a pu voir aujourd’hui.
Qu’il existe désormais dans tous les pays d’Europe, des groupes de citoyens qui se sentent en marge, mal représentés, refusant de faire confiance aux politiques, aux scientifiques, et même aux médias, qu’ils soient peu nombreux, mais suffisamment convaincus pour faire des centaines de kilomètres est le signe d’une profonde déchirure démocratique. Après l’Amérique de Trump capable de marcher sur le Capitole, il existe une Europe de l’insubordination qui rêve de barrages routiers et d’insurrection. Que cette velléité fasse long feu, qu’elle soit un feu de paille et non une traînée de poudre, sera dans les mois et dans les années qui viennent, un enjeu majeur.
■Un édito de Fabrice Grosfilley