Information : l’indépendance et la confiance, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce jeudi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la frime Twitter en Europe et l’importance de l’information. 

Il n’y aura plus de représentation de la firme Twitter en Europe. Le bureau de Bruxelles ferme ses portes. L’information est en apparence anodine. Elle pourrait indiquer que le nouveau Twitter, celui d’Elon Musk, s’apprête à tourner le dos aux règlements européens.

Twitter, vous connaissez sûrement, vous l’utilisez peut-être, c’est ce réseau social où l’on communique à coup de messages courts et percutants. Tout le monde n’est pas sur Twitter, cela ne pourrait être qu’un réseau social comme les autres, où l’on perd beaucoup de temps pour pas grand-chose… Sauf que cet outil est abondamment utilisé par le monde politique, les journalistes, les entreprises et communicants en tous genres. Une bourse de l’information, extrêmement puissante, où l’on peut suivre les débats et les décisions en temps réel.

Depuis que Tweeter a été racheté par le milliardaire Elon Musk cela tangue. Le nouveau propriétaire veut revoir les règles de modération à la baisse. Il a déjà permis le retour de l’ancien président américain Donald Trump, dont le compte avait pourtant été suspendu à vie pour avoir publié des messages appelant à la violence lors des événements du capitole. Et puis surtout Elon Musk a mis la pression sur les salariés de l’entreprise, si bien que des centaines d’employés ont préféré remettre leur démission.

C’est dans ce contexte que le bureau européen de Twitter va fermer ses portes. En soi, ce n’est pas un drame, il n’employait qu’une poignée de personnes. Sauf que c’est ce bureau justement qui était chargé de faire respecter les directives européennes sur le réseau. Parmi ces directives, le nouveau paquet sur les services numériques qui impose par exemple aux opérateurs de retirer les contenus jugés illicites par les législations nationales. Cela va de l’appel au meurtre, aux discours racistes en passant par la diffamation. Si le bureau de Bruxelles n’existe plus, on se demande qui au sein de tweeter va prendre ce travail en charge. Et même si tweeter a encore l’intention ou pas de se conformer à la législation européenne.

Petit hasard du calendrier, ce matin, j’assistai à la séance d’ouverture des assises européennes du journalisme qui ont lieu ces jours-ci à Bruxelles. On y a entendu Jean-Marie Cavada. Ancien journaliste, ce Français qui a aussi été patron de chaîne de télévision ou de radio avant de devenir député européen a justement beaucoup travaillé sur les questions de liberté d’expression, de droit des médias, de partage de données et de protection de nos libertés en général.

Ce matin à Bruxelles, il a à peu près tenu ce discours. Il faut lutter contre les monopoles qui s’installent dans le domaine de l’information. Parce qu’ils menacent nos libertés en se plaçant au-dessus de nos institutions et de nos lois. Ils phagocytent des métiers ou des fonctions, et en détruisent beaucoup d’autres. Et sur l’information par exemple, il expliquait comment les réseaux sociaux pillent les entreprises de presse, en repartageant leur contenu, sans jamais les rémunérer en retour. « Une prédation exceptionnelle » ce sont les mots de Jean-Marie Cavada.

Aujourd’hui, il y a encore beaucoup de véritables informations sur Tweeter. Mais elles sont noyées au milieu des fake news, de la propagande, des discours de haine et des coups de colère des uns et des autres. Demain, cela risque d’être pire encore.

C’est l’occasion de nous rappeler que c’est fragile une information. Parce qu’il faut aller la chercher, la vérifier, la mettre en forme et surtout le faire avec énormément d’indépendance pour que cela ne soit pas de la communication et/ou de la propagande. Ce que Jean-Marie Cavada a résumé par cette formule. Quand je suis malade, je me fais soigner par le médecin. Pour m’informer, c’est aux journalistes qu’il faut pouvoir faire confiance.

■ Un édito de Fabrice Grosfilley