Des prisons convenables, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce jeudi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la prison d’Haren.

Douze ans. C’est le temps qu’il aura fallu pour construire la nouvelle prison d’Haren. Un prison qui ne sera pas complétement opérationnelle avant au moins 2024. Mais son inauguration aujourd’hui marque un tournant dans l’aménagement de la région bruxelloise. 

Au total, cette nouvelle prison aura coûté près d’un milliard d’euros. Cinquante-trois millions pour l’achat du terrain. Et ensuite une rente de 40 millions par an qui sera versée à un consortium privé chargé de construire, mais aussi de faire fonctionner et d’entretenir cet établissement pénitentiaire. Un contrat sur 25 ans qui court jusqu’en 2047. Après cette date, les bâtiments seront rétrocédés à l’État fédéral. 

Espace vert, isolation, pompes à chaleur, l’établissement se veut à la pointe de ce qui se fait en matière d’économie d’énergie. On ne parle d’ailleurs pas d’une prison, mais d’un village pénitentiaire. Les 116 000 mètres carrés de bâtiments sont répartis entre huit pavillons. Une sorte de minivillle, où certains détenus pourront se promener dans un régime de semi-liberté. Au total, 1190 détenus seront accueillis à terme. Attention, ils ne seront que 250 au début. Le démarrage sera très progressif. Il faut dire que le chantier avait pris du retard et que l’inauguration d’aujourd’hui a même failli être reportée. 

Attention une prison cela reste une prison. On n’est pas dans un hôtel avec vue sur la Méditerranée. À Haren, on est dans le prolongement des pistes de l’aéroport, le train d’un côté, le boulevard de la Woluwe de l’autre, il y aura des caméras partout, et toujours bien des barreaux, des grilles, bref de la surveillance. On parle de campus ou de village ça n’a quand même rien à voir avec le club Med.

Il n’empêche. Ce complexe pénitentiaire est un vrai progrès. Les prisons de Forest et Saint-Gilles datent respectivement de 1910 et 1848.  Elles sont dans un état déplorable. Surpeuplées, mal entretenues. En hiver, on gèle, en été la température atteint les 35 degrés. On manque de sanitaires. Les détenus sont régulièrement à trois dans des chambres de deux, et ils n’ont accès à la douche qu’une fois tous les trois jours.  Le genre d’établissement qui a permis à la Belgique d’être condamnée par la cour européenne des droits de l’homme. 

Si je parle de tournant dans l’aménagement de la Région bruxelloise, c’est aussi parce que le complexe de Haren va permettre de vider les prisons de Saint-Gilles et Forest. Dans le courant 2023 pour Forest, fin 2024 ou début 2025 aux dernières nouvelles pour Saint-Gilles. Au total, cela représente près de neuf hectares de terrain, que la régie des Bâtiments, l’État fédéral devrait revendre à la Région bruxelloise. 

Pour l’instant le montant de la vente n’est pas encore connu. La régie des bâtiments va évidemment avoir envie de faire monter les prix. Avec neuf hectares de terrain dans un quartier qui n’est pas le plus désagréable de Bruxelles, il y a de quoi réaliser une belle opération immobilière. Plusieurs études évoquent la possibilité de construire sur ce site près d’un millier de logements, le genre d’opportunité susceptible d’allécher quelques promoteurs. 

Le danger évidemment serait de limiter cette opération à sa seule ambition commerciale. Si on veut que la ville de demain soit une réussite, il faudra évidemment qu’on puisse y respirer, que le bâti, soit raisonnable, que la mobilité, soit fluide et qu’on n’oublie pas les équipements collectifs. Si Bruxelles a besoin de logement, elle aussi a besoin d’école et de crèches par exemple. Et ça, il ne faudrait pas que la Régie des Bâtiments et donc l’État fédéral ne l’oublie. C’est parce qu’il y a eu sur ce site des prisons pendant 170 ans qu’on peut se permettre d’y faire n’importe quoi dans le futur.  

■ Un édito de Fabrice Grosfilley