Délétère inflation, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce lundi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito l’augmentation de l’inflation et les conséquences qui en découle.
C’est une inflation qui ne connaît plus de plafond. La hausse des prix atteint un nouveau record ce lundi. Cela ne sera pas sans conséquence sur votre pouvoir d’achat et sur le climat politique.
8,97 %. C’est l’inflation telle qu’elle est calculée par Statbel, l’office national des statistiques pour ce mois de mai. C’est 0,77 de plus qu’au mois d’avril qui était déjà un mois record. Avec 8,97 %, on est quasiment à 9 %. Et on est tout près d’un record historique, celui d’août 1982 lorsque l’inflation avait atteint 9,02 %. Dis comme cela, ne sont que des chiffres. Quand vous faites vos courses, vous pouvez bien sûr transformer ces chiffres en conséquences concrètes. C’est le constat qu’avec un billet de 20 euros, vous achetez aujourd’hui moins de biens que ce que vous pouviez obtenir hier. Ce ressenti est officiellement par les chiffres dont on parle.
Alors évidemment, ce qui explique d’abord cette inflation record, c’est encore et toujours le prix de l’énergie. Les carburants, le gaz, l’électricité. Si on prend ces seuls produits, l’inflation dépasse les 56 %. Ça veut dire qu’en matière d’énergie, à consommation inchangée, vous allez payer moitié plus. Si votre facture était de 100 euros en 2021, elle sera de 150 en 2022. Et on comprend du coup très bien l’intérêt qu’il y a désormais à économiser cette énergie. Pour beaucoup de Bruxellois, il ne s’agit plus d’une démarche environnementale, mais d’une obligation économique.
► À voir aussi : Bruno Colmant : “On va rentrer dans une économie bien plus compliquée”
Cette obligation, elle va devenir d’autant plus prégnante que l’inflation ne va pas s’arrêter du jour au lendemain. Nous sommes sans doute au début d’une spirale inflationniste. Après l’énergie, ce sont les prix de l’alimentaire qui vont augmenter, notamment ceux des céréales. Les loyers seront également progressivement indexés à la date anniversaire de la signature du bail. Bref, l’inflation est une nouvelle donne. Et on notera que ce sont ceux qui ont les plus bas revenus qui vont en souffrir le plus. Ceux pour qui l’énergie, l’alimentation, le logement sont des dépenses incompressibles qui occupent déjà une large part du budget, en souffriront beaucoup plus que les autres. Alors que si vous avez une voiture de société, une carte essence ou un logement dont vous êtes déjà propriétaire, l’impact n’aura pas du tout les mêmes conséquences.
Pour le pouvoir politique, s’attaquer à l’inflation va donc devenir un enjeu majeur des semaines à venir. Au niveau européen, c’est l’idée qu’on puisse essayer de bloquer les prix de l’énergie. Avoir un prix plafond qu’on ne pourrait pas dépasser. On notera que si l’État belge est très demandeur de cette mesure, c’est notamment parce qu’il n’a quasiment aucune prise sur la fixation du prix de l’énergie. Chez nous, la production d’électricité ou la commercialisation du gaz sont aux mains de grands groupes privés. Le jeu des rachats internationaux a mis ces actifs dans les mains de sociétés étrangères. La logique de privatisation a abouti au déshabillage de la Belgique. C’est finalement le consommateur qui paye la facture.
Parallèlement aux actions européennes, le gouvernement fédéral ne va pas pouvoir faire l’impasse sur la manière dont il pourra rendre du pouvoir d’achat aux ménages. Et particulièrement aux ménages les plus faibles. Avec un affrontement attendu entre ceux qui voudront intervenir massivement au risque de nous endetter davantage encore, et ceux qui estiment que l’état ne peut pas tout faire et qu’il faut garder une certaine rigueur budgétaire. Rigueur. Ce mot vous fait peut-être peur. La dernière fois que l’inflation a atteint les 9 %, c’était en 1982. Pendant le gouvernement Martens-Gol. On avait à l’époque dévalué le franc belge, pratiqué trois sauts d’index, sabré dans les dépenses publiques. Le gouvernement de l’époque avait obtenu les pouvoirs spéciaux. C’était en 1982. Mais ça illustre assez bien les difficultés sociales et politiques qui sont désormais devant nous.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley