De la violence et de l’information, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce lundi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la violence qui s’invite dans les manifestations, notamment celle envers les journalistes.

De la violence, des arrestations, des blessés, tant du côté de la police que des manifestants. De la grande manifestation de ce dimanche, les journaux télévisés ont évidemment relaté les sérieux débordements qui ont forcé la police à réagir. Ces images d’agressivité, de révolte, d’agression délibérée envers des policiers s’impriment dans nos rétines et dans nos mémoires. Ces violences sont inqualifiables, impardonnables, injustifiables. Quand l’on prétend défendre ses droits et lutter contre une injustice, qu’on estime être victime d’une oppression, et même vivre dans une “dictature sanitaire”, pour reprendre cette expression excessive, mais à laquelle semblent croire certains manifestants, on ne fait pas avancer sa cause en assommant du policier.

Cette violence repose sur un certain mépris pour la vie d’autrui. C’est là sans doute tout le problème. Lorsque l’on est focalisé sur ses propres droits, que l’on estime leur défense sacrée, que la colère vous aveugle, vous en venez à ne plus être capable de respecter le droit de l’autre. Cette pulsion est poussée à son paroxysme lorsqu’on agresse un autre être humain. Elle est déjà présente lorsqu’on insulte un journaliste, un homme ou une femme politique ou un expert sous prétexte qu’il/elle relaie ou exprime un point de vue qui ne vous convient pas. Quand on veut parler de dictature, il vaut mieux se placer du bon côté de la ligne. La manière dont deux consœurs de BX1 ont été verbalement et physiquement prises à partie ce dimanche est bien une nouvelle attaque contre la liberté de la presse. Une pratique qui rappelle celle des gangs mafieux, des groupuscules fascisants ou des régimes autoritaires.

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Cette exacerbation de l’égoïsme, le culte de cette liberté qui ne s’arrête pas là où commence celle d’autrui, est présente dans plus d’un cerveau de manifestants. C’est peut-être pour cela qu’ils s’opposent si farouchement à la politique sanitaire actuelle. Parce qu’ils ne supportent pas l’idée que la vaccination qu’on leur propose ou que le CST qui leur est imposé limitent leur liberté. Ils refusent d’admettre que cette limitation puisse se faire au nom de la liberté des autres. Si des personnalités d’extrême droite sont bien présentes dans ces rassemblements, c’est justement pour promouvoir cette idée que la liberté individuelle prime sur l’intérêt collectif. Dans le langage courant, c’est ce qu’on appelle la loi du plus fort.

Ce serait faire injure à beaucoup de manifestants que de résumer cette manifestation à un rassemblement d’extrême-droite. D’abord parce que le variant Omicron a changé la donne : il est donc permis d’interroger la validité d’une politique imaginée il y a plusieurs mois, au temps du variant Delta.  Ensuite parce qu’il y a derrière le succès de cette manifestation beaucoup d’incompréhension, de craintes et de fausses rumeurs. Quand on entend certains manifestants expliquer qu’ils défilent contre la vaccination des enfants, alors que cette vaccination n’est pas obligatoire, et que personne n’a jamais envisagé qu’elle ne le soit, on prend la mesure des dégâts que crééent la rumeur malveillante, les réseaux sociaux et les sites de désinformation. Pour lutter contre ces phénomènes sectaires où l’on est sûr d’avoir raison contre le camp d’en face, pour pouvoir écouter les arguments du camp d’en face, pour permettre le débat, il faut d’abord qu’une information juste et vérifiée puisse circuler. Cette information indépendante et raisonnée, il n’y a que des journalistes qui peuvent la produire. S’en prendre aux journalistes, c’est s’en prendre au débat.

■ Un édito de Fabrice Grosfilley