De la neige et du climat : l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce vendredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la météo et les changements climatiques.

Aujourd’hui, il a neigé, sur la Région bruxelloise et sur l’ensemble de la Belgique. Ce n’est pas un évènement exceptionnel. Mais l’attention qu’on y apporte est un petit rappel des changements qui nous attendent en matière de dérèglement climatique.

Ce n’est pas exceptionnel. Il est tout à fait normal qu’il puisse neiger au mois d’avril. L’an dernier, la neige était même arrivée un peu plus tard, le 6 avril, Bruxelles avait alors été recouverte de 6 centimètres de neige. Si on remonte un peu dans les statistiques, on avait une vingtaine de centimètres de neige à la fin du mois d’avril dans les Hautes Fagnes, en 2016, en 1999, en 1979, toutes ces années où on a pu skier fin avril dans les Ardennes. Les amateurs de sport se rappelleront aussi du 24 avril 1980, ou Liège Bastogne Liège se déroule en pleine tempête de neige avec une victoire du français Bernard Hinault, avec une cagoule sur la tête et des engelures aux doigts.

Donc non, d’un point de vue statistique, il n’est pas anormal qu’il neige en avril. Ce qui l’est plus en revanche, c’est d’avoir connu une période de redoux comme celle de ces dernières semaines. Ce n’est pas la neige qui devrait nous suspendre, c’est plutôt le contraste entre la fin mars et ce début d’avril. Parce que le mois de mars que nous venons de traverser a été exceptionnellement sec et ensoleillé.  Avec 2 millimètres de pluie seulement, ce qui est un record absolu, ce qui est 30 fois moins que la normale saisonnière.  Des températures qui sont montées jusqu’à 20 degrés et qui ont tourné en moyenne à 8,6, c’est un degré de plus que la moyenne.

Mais, on ne va pas confondre la météo et le climat. Le temps court et le temps long. Le dérèglement climatique ne s’observe pas sur quelques épisodes de froid ou de chaleur. Mais ce contraste entre mars et avril est un épisode annonciateur de ce qui nous attend dans le futur. Les rapports du GIEC, le groupe d’experts internationaux sur le climat, ne pointent pas seulement un réchauffement climatique, mais aussi un dérèglement climatique. Des phénomènes plus extrêmes, des contrastes plus forts. C’est exactement ce qui est en train de se passer. 

Si on s’intéresse au temps long, qui correspond au climat, une nouvelle étude pointe depuis hier des phénomènes d’accélération du réchauffement climatique. C’est une étude du FMI, Fonds Monétaire International, pas vraiment des zozos ni des excités de l’environnement en temps normal. On peut y lire que pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, on a gagné 1,5  degré entre 1990 et maintenant, 1 degré et demi en 10 ans, c’est le double de ce qu’on observe au niveau mondial. Cela veut dire que dans ces régions-là, qui sont déjà arides, les dégâts à venir seront considérables. 

Si le FMI s’intéresse au climat, c’est bien parce que le dérèglement climatique est aussi une question économique. Notre petit épisode neigeux, pourrait ainsi avoir de lourdes répercussions sur le secteur arboricole. Les pommiers ou poiriers en bourgeons risquent de ne pas apprécier que notre thermomètre joue ainsi les montagnes russes. Et ce secteur n’est pas au bout de ses peines. Avec des précipitations aussi faibles, le risque de sécheresse pour l’été prochain n’est pas à écarter. C’est toute la cruauté de notre situation. Le dérèglement climatique, la guerre en Ukraine, l’épidémie de Covid ne sont pas des catastrophes qui se succèdent les unes aux autres. Ce sont des épreuves qui s’ajoutent les uns aux autres. Vouloir régler l’une en perdant l’autre des yeux serait un très mauvais réflexe. 

■ Un édito de Fabrice Grosfilley