De la gravité, mais pas de résignation : l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce vendredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le passage d’une crise à une autre : le code jaune en lien avec la COVID-19 et l’angoisse de la guerre en Ukraine.

Cette fois, on y est. C’est la fin des restrictions sanitaires. L’entrée en code jaune va permettre de renvoyer la COVID-19 au rang d’une maladie presque comme les autres. Mais ce qui aurait dû être un jour de réjouissance ne le sera pas vraiment. Parce qu’en Europe aujourd’hui, personne n’a vraiment le cœur léger. 

D’abord, une petite nuance. L’activation du code jaune est bien une libération. Mais elle n’est pas synonyme d’une victoire totale. Nous n’avons pas éradiqué la maladie. Elle a plutôt reflué d’elle-même. Et même si ce n’est pas une hypothèse privilégiée, à ce stade, l’idée qu’un nouveau variant puisse apparaître et mettre de nouveau notre société en difficulté ne doit pas être négligée. Et même si la vaccination et le Covid Safe Ticket ont permis de sauver des milliers de vies humaines, on a aussi pu mesurer que cette digue était loin d’être étanche. Que les vaccins offraient une protection limitée dans le temps et surtout qu’une partie de la population, en particulier à Bruxelles, n’a pas souhaité se protéger. 

Si nous sommes moins joyeux que nous aurions dû l’être après deux années de privations plus douloureuses que ce que la plupart d’entre nous n’avaient jamais eu à expérimenter de toute leur existence, c’est essentiellement à cause de l’Ukraine. Plus précisément, à cause de ce que l’armée russe fait subir à l’Ukraine. Vous et moi, nous sommes réveillés ce matin en apprenant qu’un incendie avait éclaté à la suite d’un bombardement sur le site d’une centrale nucléaire. Et que ces installations ultra-sensibles n’étaient donc pas épargnées par les combats. 

Cette angoisse qui est aujourd’hui la nôtre, elle est lourde, pénible. Et comme pour la COVID-19, elle nous amène à devoir faire le constat de notre impuissance. Hier, nous ne pouvions pas arrêter la propagation d’un virus dont nous ne savions presque rien. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas arrêter les tirs de missiles, les bombardements, l’avancée des chars dans les villes ukrainiennes.  De cette impuissance, très humaine, certains sortiront avec de la rage, de la colère, le désir de se battre, d’autres resteront abattus ou hébétés, et beaucoup d’entre nous passeront de l’un à l’autre. Ce qui nous rendra tous humains, c’est le fait de ressentir de la compassion pour les victimes de la violence aveugle, quel que soit le tyran qui porte les coups. 

Il y a deux leçons que la COVID-19 nous a enseignées. La première, c’est de faire preuve de patience et de garder confiance dans l’intelligence humaine. Même si les vaccins n’étaient pas parfaits, les scientifiques ont partiellement réussi à dompter ce virus. Et les médicaments qui arrivent désormais vont compléter notre arsenal. La deuxième, c’est que la cohésion dont nous sommes capables dans les moments graves est la meilleure réponse à offrir à une menace extérieure. Être capable collectivement de respecter un lockdown, des gestes barrières, le télétravail s’est avéré payant. Ce soir, même si nous sommes tous un peu morose, avec le sentiment d’enchaîner une crise sur une autre, avec un sentiment d’injustice que peuvent éprouver les plus jeunes, ce manque de légèreté qui nous étreint ne doit surtout pas être confondu avec une forme de résignation.

■ Un édito de Fabrice Grosfilley