De Croo : le double avertissement, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce mardi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le discours d’Alexander De Croo devant les étudiants en sciences politiques de l’université de Gand dans lequel il défend son gouvernement.
« Il faudra des efforts de tout le monde. Celui qui affirme que les autorités peuvent compenser à 100 % raconte des bêtises. » Ces propos sont ceux tenus aujourd’hui par Alexander De Croo et le Premier ministre faisait évidemment référence au prix de l’énergie.
Cette nouvelle déclaration, le Premier ministre l’a prononcée devant un parterre d’étudiants. C’est la tradition pour les étudiants en sciences politiques de l’université de Gand. À chaque rentrée universitaire, ils ont droit à une leçon inaugurale prononcée par un décideur politique de premier plan. Elio di Rupo, Bart De Wever, Herman Van Rompuy, Paul Magnette ont tous eu droit à cet honneur. Pour ces orateurs, l’exposé est l’occasion d’adresser un message aux étudiants et surtout au grand public.
Très logiquement, Alexander De Croo a donc profité de cette tribune pour défendre l’action de son gouvernement. Interrogé sur le prix de l’énergie, mais aussi sur le prix des spaghettis au restaurant universitaire, cela ne s’invente pas, le Premier ministre a mis en avant les mesures déjà décidées par le gouvernement Vivaldi, tarif social, baisse de la TVA et a évoqué la prochaine taxation des superprofits. Et puis cette fameuse phrase : “celui qui affirme que les autorités peuvent compenser à 100 % raconte des bêtises ».
► Lire aussi : La hausse des prix de l’énergie frappe durement les Bruxellois
On doit reconnaître à Alexander De Croo le mérite de la continuité. Le libéral flamand avait déjà alerté en annonçant que nous allions vers 5 à 10 hivers difficiles. En indiquant que tout le monde doit se préparer à faire des efforts, il récidive. C’est plutôt une posture inhabituelle pour un Premier ministre dont le discours est traditionnellement d’inspirer la confiance et d’œuvrer à la stabilité. Ces petites phrases, qui n’ont l’air de rien, sont bien un positionnement politique. Quand Alexander De Croo indique que l’État providence ne peut pas tout, il utilise sa carrure de Premier ministre pour contrecarrer les ardeurs de ses partenaires de gauche qui voudraient des aides plus conséquentes en faveur des classes populaires.
Dans ce discours aux étudiants, il y a une deuxième idée importante qui a été développée par le Premier ministre. C’est l’idée que la démocratie fonctionne et que le politique trouve des réponses.« Nous pouvons traverser (les crises) en tant que société, a-t-il glissé, pour un pays où rien n’est possible et où le politique ne peut plus prendre aucune décision, nous avons pourtant une économie parmi les plus innovantes du monde avec un des meilleurs systèmes de sécurité sociale”. Et Alexander De Croo d’adresser une sorte d’avertissement aux étudiants : appeler à avoir un dirigeant fort est la plus grosse erreur qu’on puisse faire. On ne doit avoir qu’une seule priorité, une société forte.
Cette mise en garde contre la tentation du dirigeant fort, elle n’est pas anodine. Après les derniers scrutins en Suède ou en Italie, en plein traumatisme énergétique, on voit bien que la thématique du coup de balai et du changement de système trouve des militants zélés sur les réseaux sociaux et ailleurs. Nos démocraties ne sont pas inattaquables. En France, c’est la crise des gilets jaunes qui a matérialisé le sentiment de colère et de rejet de la classe politique. En Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, aux États-Unis et au Brésil, c’est le succès des discours populistes.
En Belgique aussi, les raisons d’entre en colère ne manquent pas. Qu’on partage ou pas les options politiques et économiques d’Alexander de Croo, rappeler que la tentation autoritaire n’est pas une option est plutôt bienvenue. Et ce ne sont pas les scores réalisés par le VB dans les sondages qui nous feront dire le contraire.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley