Davos tourne le dos à Davos, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce mardi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le sommet de Davos.

Après 2 années de Covid-19 et  3 mois de guerre en Ukraine, le monde doit-il continuer comme avant ? Est-ce que le business as usual, le fait de faire des affaires comme d’habitude, reste la vérité suprême ? Est-ce que la recherche du profit est finalement le seul moteur qui fasse réellement tourner le monde ?

Ces questions, on peut se les poser ce mardi à l’occasion du sommet de Davos. Ce forum économique mondial, qui se réunit chaque année en Suisse, a la particularité de croiser de grands décideurs du monde économiques, avec des chefs de gouvernement, des intellectuels et des lobbyistes en tout genre. L’idée de Davos, c’est que le pouvoir économique, la société civile et le pouvoir politique doivent avancer de concert, que préserver les intérêts des multinationales participe à la bonne marche du monde, et que les intérêts du privé doivent mieux pris en compte pour régler les problèmes du monde. C’est en quelque sorte une grand-messe de la globalisation, où les entreprises, qui sont les vraies organisatrices de ce rendez-vous, font valoir leur point de vue.

Cette année, on entend quand même une autre musique à Davos. D’abord, parce que le rendez-vous n’a pas pu avoir lieu pendant 2 années de suite en raison de la Covid-19. Ensuite parce que la guerre en Ukraine ébranle finalement bien des certitudes. « La liberté est plus importante que le libre-échange » … ce sont les mots prononcés par Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, l’organisation du traité de l’Atlantique Nord. « Protéger nos valeurs est plus important que de faire des profits. Nous sommes pour le libre-échange qui a apporté beaucoup de prospérité, mais il a un prix. »

Ces petites phrases de Jens Stoltenberg sont plus importantes qu’il n’y paraît. Elles pourraient bien indiquer un changement de cap dans la gouvernance mondiale. Ce que la guerre en Ukraine nous apprend, c’est que la mondialisation ou la globalisation ont conduit à une hyperinterdépendance. Notre gaz qui vient de Russie, notre pétrole, des pays du Golfe, notre blé d’Ukraine ou de Pologne, nos téléphones de Chine ou de Corée, notre viande d’Amérique du Sud : la globalisation fonctionne tant que le monde est en paix et que les États entretiennent des relations cordiales Aujourd’hui, c’est tout ce schéma qui s’écroule. Être en capacité de produire sa propre énergie, avoir de quoi nourrir sa propre population, avoir des armes pour se défendre, ne plus être à la merci de l’un ou de l’autre fournisseur est la nouvelle donne de 2022. Et elle tourne le dos aux principes de Davos. 

Est-ce que cela veut dire que nous ne devons pas nous intéresser à ce qui se dit lors de ce forum ?  La réponse est non. Ce forum va réunir de nombreux chefs d’État européens, comme Olaf Scholtz ou Pedro Sanchez. La présidente de la commission Ursula Von Der Leyen y est. Côté américain, John Kerry, le monsieur climat de Joe Biden sera présent, son homologue chinois aussi. Bref, Davos sera peut-être cette année l’occasion de mettre en avant des thèmes comme le climat, l’autonomie énergétique et alimentaire, la sécurité et une certaine forme de coopération. Et même si ce n’est pas du tout l’intention de ses créateurs, on va peut-être commencer à penser une société post-libérale ou post mondialisée, en d’autres termes, le monde de demain.  

 Un édito de Fabrice Grosfilley