Conner Rousseau entre Zemmour et Trump, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce mardi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito les propos de Conner Rousseau, président du parti socialiste flamand.
« Quand je roule dans Molenbeek, moi non plus je ne me sens pas en Belgique ». Ces propos, ce ne sont pas ceux de Marine Le Pen, ni ceux d’Eric Zemmour. Ils n’émanent pas d’un dirigeant du Vlaams Belang. Ils ont été prononcés par Conner Rousseau, le président de Vooruit, le Parti socialiste flamand.
Conner Rousseau, on ne le connaît pas très bien côté francophone. Il aura 30 ans au mois de novembre, et cela fait maintenant deux ans et demi qu’il préside le parti socialiste flamand. En deux ans et demi, il a déjà quelques polémiques au compteur. Il a par exemple, proposé qu’on interdise aux femmes toxicomanes de tomber enceinte. Il a dû fermer son compte Instagram pendant la période du Covid-19 parce qu’on l’y voyait faire la fête en France à un moment où c’était interdit en Belgique. Il a aussi participé au télécrochet le chanteur masqué, ou il est arrivé 3ᵉ. On s’est alors demandé ce qu’un président de parti allait faire dans une émission de ce genre.
Il a quelques réussites à mettre à son actif. D’abord le changement de nom de SPA en Vooruit, qui est entrée dans les mœurs. Un léger mieux enregistré dans les sondages d’intention de vote, et une 3ᵉ place sur le top 3 des personnalités appréciées par les Flamands, où il est donc passé devant Bart De Wever. On notera d’ailleurs que Bart De Wever apprécie Conner Rousseau. Que le nouveau président des socialistes flamands est même celui qui est considéré comme faisant le lien entre les socialistes francophones et les nationalistes flamands. Il a joué un certain rôle, pour ne pas dire un rôle certain lorsque Paul Magnette et Bart De Wever ont tenté de se rapprocher pour former un gouvernement en 2020.
Voilà pour le décor général. En ce qui concerne l’actualité du jour, ce sont ces propos dans une interview au magazine Humo selon lesquels le président de Vooruit ne se sent pas en Belgique lorsqu’il traverse Molenbeek. Des propos dignes d’Eric Zemmour ou d’un militant du Vlaams Belang. Des propos qui sentent le rance, le racisme, l’intolérance. Alors oui, Conner Rousseau, il y a à Molenbeek, mais aussi à Anderlecht, à Bruxelles, à Anvers, à Verviers, à Charleroi, à Gand, à Hasselt, des quartiers où la population est peut-être d’origine étrangère, mais pourtant belge et fière de l’être. Et on va vous poser cette question : Vincent Kompany, Marouane Fellaini, Michi Batsuhayi, Romelu Lukaako, pour ne prendre que ces exemples, ils vous font sentir belge lorsqu’ils portent le maillot de l’équipe nationale ou pas ?
Dans cette interview au magazine Humo, Conner Rousseau affirme aussi qu’à Bruxelles, à cause de la pénurie, des enseignants font des cours en arabe parce que les gens ne parlent pas le français. C’est faux. Archi faux. Les cours se donnent en français dans l’enseignement francophone, en néerlandais dans l’enseignement néerlandophone. Même dans les classes d’accueil pour primo-arrivant, on amène les enfants vers une langue nationale. Si un enseignement se donne en langue étrangère, c’est du côté des écoles européennes qu’il faudra regarder. Conner Rousseau est aussi raciste qu’Eric Zemmour et aussi menteur que Donald Trump. Ce qui fait beaucoup de qualités pour un seul homme.
Ces propos, ils tombent en plein débat sur le cordon sanitaire. Sur l’idée qu’on doit tout faire pour éviter de banaliser les idées d’extrême droite. Visiblement en Flandre c’est trop tard. Non seulement les idées, mais même les méthodes de l’extrême droite, à base de déclarations populistes et mensongères, sont tellement banalisées qu’elles percolent jusque dans les rangs des socialistes flamands. Depuis quelques mois, le Vooruit flamand et le PS francophone partagent le même bâtiment boulevard de l’empereur. Peut-être que le cordon sanitaire va devoir passer entre le deuxième et le troisième étage.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley