Allocations familiales : l’art d’annoncer les difficultés, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce vendredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la réforme des allocations familiales demandée par le ministre bruxellois Sven Gatz.
Le financement des allocations familiales, est-il soutenable à terme en Région bruxelloise ? Réponse : peut-être pas. Et c’est Sven Gatz, le ministre bruxellois des Finances et du Budget qui pose ce diagnostic.
Depuis le 1er janvier 2020, il faut se rappeler que les allocations familiales sont devenues une compétence régionale. La Flandre, la Wallonie et Bruxelles sont donc compétentes chacune sur leur territoire pour réglementer et verser ces allocations. Et si le montant par enfant ne varie pas beaucoup d’une région à l’autre, il y a dans chaque région, des suppléments, des majorations ou des compléments spécifiques. En Région bruxelloise, on a décidé d’aider plus particulièrement les familles à bas revenus. Ce transfert de compétences s’est accompagné d’une dotation financière de l’État fédéral. Mais celle-ci ne couvre pas les suppléments ou les majorations, pour cela, c’est aux régions de mettre la main à la poche.
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À Bruxelles, on savait que ce transfert de compétences s’accompagnerait de comptes en déséquilibre. On évoquait un manque à combler d’une trentaine de millions. Finalement, c’est beaucoup plus. Entre 50 et 100 millions par an, annonce Sven Gatz dans le journal Le Soir de ce matin. Rien que pour 2022, ce sont 80 millions. Notamment, parce que ces indexations ont été indexées pour tenir compte de l’inflation. Conclusion de Sven Gatz : le système n’est pas viable sur le long terme, il contribue à l’endettement de la Région bruxelloise.
Alors il n’y a pas à dire, il sait y faire, Sven Gatz, pour sonner le tocsin. Sa manière d’actionner les feux clignotants marque les esprits. Aujourd’hui, c’est une page et demie dans le journal le Soir. Mais on se rappelle aussi sa sortie sur le financement de l’extension du métro Nord, où il appelle à réfléchir à un autre financement pour la prochaine législature, ou à son mea-culpa sur le grand désordre des comptes bruxellois épinglés par la Cour des comptes. La méthode Gatz n’est pas de demander des résultats pour le court terme, mais de plutôt viser la législature d’après. Vouloir réformer les allocations familiales, c’est socialement et politiquement explosif. Annoncer qu’on devra le faire dans 2 ou 3 ans, ça passe plus facilement.
Si on veut souligner le contraste avec d’autres membres de gouvernement, on peut prendre la passe d’armes entre Nawal Ben Hamou et Bernard Clerfayt sur un autre dossier socialement sensible : l’indexation des loyers. La secrétaire d’État au Logement voudrait plafonner ces augmentations à 2 % et menace de passer par le Parlement si le gouvernement ne se met pas d’accord. C’est ce qu’elle dit dans une interview à La Libre Belgique ce matin. Et le ministre de l’emploi et des pouvoirs locaux lui a répondu illico par communiqué de presse qu’il n’en est pas question. Titre de son communiqué : « Cessons les solutions populistes et attaquons-nous au problème avec des solutions concrètes ». Entre ces deux-là, même s’ils sont dans le même gouvernement, la hache de guerre est visiblement déterrée.
La méthode Gatz, est-elle plus efficace que la méthode Ben Hamou ou la méthode Clerfayt. Il faudra attendre plusieurs mois pour pouvoir juger de qui obtient quoi. Mais entre celui qui lance des alarmes préventives, quitte à passer pour une Cassandre ou un donneur de leçons, et ceux qui bandent leurs muscles idéologiques, donnant des coups et en recevant d’autres, on se dit qu’il y a effectivement deux écoles. Et peut-être aussi un ministre qui se dit déjà que quoi qu’il arrive, il sera encore là après 2024. Et deux autres pour qui la compétition électorale a déjà commencé.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley