Accompagner les artistes, ne pas les décourager : l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce mercredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le réforme du statut d’artiste.
Il va y avoir du neuf pour le statut des artistes. Un statut qu’il sera désormais plus facile d’obtenir. Mais qui ne sera pas garanti à vie pour autant. Et on va expliquer pourquoi c’est important pour les artistes, mais aussi pour leur public.
Ce statut d’artiste, c’est celui qui permet d’avoir accès à la sécurité sociale, l’assurance-maladie, l’assurance-chômage, pour une catégorie de travailleurs qui n’entrent ni dans la catégorie des salariés ni dans celle des indépendants. Être artiste, vivre de sa création, c’est alterner des périodes de spectacles, d’enregistrements, d’expositions, où on gagne plus ou moins sa vie avec des périodes de recherche, de répétition, d’écriture, qui par définition ne rapportent rien. Laisser tomber les artistes dans ces périodes-là, c’est les condamner à vivre de petits boulots, nuire à la qualité de leur travail, et finalement leur manquer de respect. À l’inverse, accorder ce statut et ses avantages financiers sans discernement revient à ne pas gérer la sécurité sociale avec la rigueur nécessaire et à accorder des avantages auxquels d’autres catégories de travailleurs n’ont pas droit.
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Depuis des années, les professionnels des arts et de la culture réclamaient donc qu’on revoie le statut d’artiste. Après plus d’un an de discussion, alors qu’on croyait le dossier proche de l’enlisement, un nouveau statut d’artiste est donc sur la table. Pour faire simple, à partir du premier septembre prochain, il faudra prouver qu’on a travaillé 156 jours en deux ans, et non plus en 18 mois pour accéder au statut d’artiste. Le fait de tourner une publicité, ce qui n’est pas vraiment de l’art, de donner des cours de dessin, de passer un casting, ou d’être en répétition, pourra être comptabilisé comme un jour de travail. Et surtout, ce n’est plus l’ONEM qui décide quelles sont les prestations qui comptent ou pas, mais une commission du travail des arts où les artistes seront représentés.
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Est-ce que cela ouvre la porte à une reconnaissance plus large du travail des artistes ? La réponse est oui, d’autant que les allocations seront légèrement revues à la hausse, mais avec un bémol : au bout de trois ans, on fera les comptes. On pourra toujours perdre son statut d’artistes si on n’a pas travaillé assez dans l’intervalle. Cette réforme, elle concerne évidemment les artistes. Mais elle ne peut pas nous laisser, nous le public, indifférent. Parce que l’on a pu mesurer au cours de ces deux dernières années de confinement combien il nous était difficile de vivre sans accès à la culture. Que cet accord permette de donner un peu d’espoir à ce secteur meurtri par la crise sanitaire et des décisions politiques pas toujours compréhensibles est un signal positif. C’est ce qu’on attend d’une politique culturelle : qu’elle accompagne les artistes et ne le décourage pas.
Hasard de l’actualité, c’est aujourd’hui que le public était appelé à rendre hommage à Arno à l’Ancienne Belgique ; plusieurs centaines de Bruxellois y ont participé. Il faut se rappeler que la vie d’Arno, ce fut d’abord une vie de misère. De vraie misère. Un diplôme de cuisinier, pas d’emploi, pas d’appartement, le squat permanent, tout l’argent gagné réinvesti dans la musique. Il faudra attendre 1996 et le titre “Les yeux de ma mère” pour qu’Arno vive enfin de ses concerts et de ses disques. Qu’il devienne enfin connu et reconnu et que ses albums aient du succès notamment en France. En 1996, Arno a déjà 47 ans. Ça éclaire très concrètement la difficulté qu’il y a à être un artiste, et à pouvoir en vivre.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley