Salles de spectacle : pour les dérogations, les bourgmestres sont dans le flou

Comme pour les matches de foot, les salles de spectacles pourraient demander aux bourgmestres des dérogations pour dépasser la limite de 200 personnes fixées pour les événements en intérieur lors du dernier conseil national de sécurité. Cependant, pour le moment, peu de bourgmestres ont reçu des demandes.

Dans la plupart des communes, les salles n’ont pas encore introduit de demande. Seule Ixelles a déjà eu un courrier de la part du théâtre Marni. “Nous allons voir comment la traiter car franchement, cela n’est pas clair du tout, comme d’habitude, fait remarquer le bourgmestre ixellois, Christos Doulkeridis (Ecolo). Encore une fois, on demande aux bourgmestres de trancher mais sans nous donner de consigne. Oui, je dois consulter un virologue. Mais selon celui que je choisis, la réponse sera différente. Et puis, au final, c’est le ministre qui doit trancher. Mais lequel? Là non plus, je n’en sais rien. Personnellement, je serai plutôt favorable à une dérogation pour les salles. Je trouve que l’exemple de l’avion est le plus parlant. Tout ça est peu compréhensible.”

A Ixelles, on a décidé de mettre les salles en relation les unes entre les autres. Ainsi, le Théâtre de la Toison d’or pourra jouer certains spectacles dans une salle plus grande à l’ULB afin de dépasser la jauge des 200 personnes tout en maintenant les distances de sécurité. A l’inverse, il pourrait recevoir des plus petits spectacles qui devaient jouer dans une salle ne pouvant accueillir qu’une dizaine de spectateurs. Ce système pourrait permettre de se payer quelques artistes de renom et d’atteindre une rentabilité ou, en tout cas, ne pas perdre trop d’argent. “C’est un jeu de salles musicales mais cela peut être une solution”, conclut Christos Doulkeridis.

A Uccle, le centre culturel est un des plus grands de la Région bruxelloise avec une salle pouvant accueillir 800 personnes. C’est un lieu qui fonctionne principalement sur un principe de location et qui achète quelques spectacles, notamment venant de France. Ceux-là, dans la grande majorité, ont été annulés pour la saison prochaine. Le centre s’est recentré sur les plus petites distributions, plus locales. “Nous devons encore évaluer notre jauge en fonction des différentes règles, explique Vinciane Morel, présidente du Centre culturel d’Uccle. Nous souhaitons faire valider notre protocole par un virologue et ensuite, nous verrons si nous faisons des demandes de dérogation.

Le centre ucclois n’est rentable qu’avec une salle pleine à 75%, soit 650 places. Pour le moment, le personnel est au chômage temporaire mais si les spectacles reprennent, ils devront être à nouveau à charge du centre. Et puis, il y a aussi les contrats signés avec des producteurs. Qu’arrivera-t-il en cas d’annulation?

C’est d’ailleurs cette question qui taraude le bourgmestre d’Auderghem, Didier Gosuin (DéFi). “J’ai signé pour 700.000 euros de contrats dans le cadre de notre programmation Paris Théâtre. Notre centre culturel n’est pas subventionné. Ce sont des spectacles français qui coûtent cher et avec 200 personnes nous ne sommes évidemment pas rentables. Nous avons pour le moment moitié moins d’abonnements pris que d’habitude. La question est comment allons-nous perdre le moins d’argent possible?” Si le centre culturel annule une représentation, il doit payer un dédommagement aux artistes. Les assurances ne jouent pas puisqu’il ne s’agit pas d’un cas de force majeure.

L’autre grand centre culturel régional est celui de Woluwe-Saint-Pierre mais là, aucune dérogation n’est envisagée.

A Saint-Josse et Etterbeek, on est sur la même longueur d’onde. Le port du masque paraît suffisant. “On le fait dans les transports en commun, pourquoi cela ne serait pas possible dans une salle de théâtre,” s’interroge Vincent De Wolf (MR). “Nous ne sommes pas dans la situation d’avril. La vie doit reprendre tout doucement”, ajoute Emir Kir (Indépendant) qui doit rencontrer la direction du Public ce mercredi.

Enfin, à Forest, Stéphane Roberti (Ecolo) n’a pas encore eu de demande de la part de Forest National “et si j’en ai, je la traiterai de la même manière que celles pour un match de foot. Nous avons une cellule de sécurité. Nous y ajouterons un virologue s’il le faut, mais nous verrons au moment venu. Nous avons tellement à faire que nous n’allons pas anticiper les choses.”

En attente de protocoles plus précis

A la Ville de Bruxelles, on a décidé d’attendre un peu avant de se prononcer sur d’éventuelles dérogations surtout qu’elle gère elle-même  ou via des ASBL communales de grandes salles comme La Madeleine, le Cirque Royal ou le Palais 12. La semaine prochaine, les directions de salles de spectacles sont en tout cas conviées à une réunion avec l’échevine de la Culture, Delphine Houba (PS) et le bourgmestre Philippe Close (PS).

La ministre de la Culture, Bénédicte Linard (Ecolo) annonçait dans les pages de La Libre de ce mardi, sa volonté de réduire à un mètre la distance entre deux bulles de spectateurs. Une bonne nouvelle pour les salles même si beaucoup demandent que la capacité soit calculée en fonction de leur taille. Il faut encore que les virologues valident ce principe de manière formelle. Le cabinet de Bénédicte Linard voudrait également retirer le principe de double validation des dérogations. Les bourgmestres seraient les seuls à décider si la salle respecte le protocole qui devrait être éditer dans les prochains jours. Pour les grandes salles, la jauge de 200 personnes pourrait donc être abolie. “Nous comprenons que cela puisse paraître incompréhensible qu’on puisse prendre l’avion et ne pas être à plus de 200 dans une salle de spectacle, explique-t-on au cabinet. Nos virologues sont plus prudents que les internationaux mais nous devons trouver un accord qui permettent à tout le monde de s’en sortir.”

Vanessa Lhuillier – Photo:BX1