Le suicide d’un détenu palestinien en centre fermé crée l’émoi : “Il n’a pas reçu de suivi médical approprié”

Face aux évènements en cours à Gaza, des dizaines de manifestants se rassemblent quotidiennement dans le centre de Bruxelles pour appeler les autorités à agir. Ces rassemblements ont déjà plusieurs fois mené à des affrontements avec la police. D’après les manifestants, six ressortissants palestiniens proches de ces manifestations sont pour le moment détenus en centre fermé, sans explication. L’un d’entre eux, Mahmoud Ezzat Farag Allah, 26 ans, est décédé dans la nuit de lundi à mardi au centre fermé 127bis, vraisemblablement d’un suicide.

Comme chaque jour, des dizaines de manifestants se sont rassemblés ce mardi soir sur les marches de la Bourse, en soutien à Gaza. Mais celle-ci a pris une dimension particulière, après l’annonce du suicide de Mahmoud Ezzat Farag Allah dans sa cellule du centre fermé 127bis, à Steenokkerzeel (Brabant flamand). Il y était détenu depuis deux mois.

Selon des informations transmises par son avocate, Gloria Mweze, Mahmoud Ezzat Farag Allah était un ressortissant palestinien qui avait obtenu le statut de réfugié en Grèce. Estimant que les droits fondamentaux des personnes réfugiées ne sont pas respectés dans ce pays, il a introduit cinq demandes d’asile en Belgique. La dernière demande a été rejetée par l’Office des étrangers le 2 octobre. Mahmoud Ezzat Farag Allah et son avocate envisageaient l’introduction d’une requête de mise en liberté.

Ce dernier se trouvait dans un état psychologique très fragile. Sa mère venait de décéder en Palestine au moment où il a été enfermé. Le reste de sa famille se trouve toujours là-bas. “On a refusé de lui donner des médicaments, disant qu’il n’était pas malade. Une personne comme lui ne devrait pas être dans un centre fermé. Il aurait dû aller à l’hôpital“, déplore l’avocate auprès de l’agence Belga. L’association Getting The Voice Out, qui informe et alerte sur les conditions de détention en Belgique, juge elle aussi que Mahmoud Farag ne recevait pas le suivi médical approprié.

L’Office des étrangers a de son côté confirmé “le décès la nuit passée d’un ressortissant maintenu au centre 127bis“, sans davantage d’informations.

L’administration du centre pointée du doigt

Suite à ce décès une grande partie des détenus du centre fermé ont décidé de se mettre en grève de la faim. “On nous a informés que l’on leur laissait la possibilité de contacter des services compétents, mais pour l’instant, il n’y a pas de démarches qui ont été faites“, explique Dounia Largo, une militante pro-palestinienne proche de plusieurs détenus dont Mahmoud, et qui a pu se rendre sur place ce mercredi après-midi.

On a reçu des informations très contradictoires des personnes détenues et de l’administration du centre. Le centre nous informe avoir mis tout en place pour accompagner Mahmoud. Or, on sait de la part de son avocate et de ses co-détenus que c’est faux. Mahmoud avait fait une première tentative de suicide dans la nuit de dimanche à lundi et rien n’a été mis en place. Ils l’ont placé en isolement, seul, pendant 24h. On est donc dans une logique punitive et pas du tout dans une logique d’accompagnement et de soins à la personne. C’est pour cela que l’on tient aussi le centre responsable de sa mort. Il s’agit vraiment de non-assistance à personne en danger.”

De son côté l’Office des étrangers, interrogé par Le Vif, se défend de mauvais suivi : “On gère les médicaments au cas par cas, et chaque cas est supervisé par un médecin.

Dounia Largo signale qu’après leur annonce de grève de la faim, cinq détenus ont été transférés vers un autre centre. “On voit ici une volonté de tuer dans l’œuf leur révolte et leur solidarité avec leur camarade qui a perdu la vie de manière tragique. On a du téléphoner ce matin à tous les centres de Belgique pour essayer de savoir où ils avaient été transférés.”

“C’était quelqu’un de très calme et très respectueux”

Mahmoud venait souvent aux rassemblement organisés pour la Palestine devant la Bourse de Bruxelles“, explique Dounia Largo, qui l’a souvent côtoyé lors de ces rassemblements. “C’était quelqu’un d’extrêmement discret, très respectueux et très calme. Il avait son groupe d’amis proches, mais il tenait à être là car il faut se rendre compte que cet espace est l’un de leurs seuls espaces de résistance, un de leurs seuls espaces de deuil aussi. C’est un moment et un espace où ils peuvent s’échanger des gestes de solidarité, obtenir des informations sur les démarches… Ce n’est pas juste un espace politique et militant, c’est aussi un espace humain où l’on se soutient entre nous et où l’on essaie de s’apporter du réconfort. C’est un espace qui est très précieux pour nous et que l’on a pas envie de lâcher.

Sarah Schlitz va interpeller la ministre

Présent ce mardi devant la Bourse, tout juste libéré d’une prison israélienne suite à sa participation à la flottille humanitaire Global Summud en route vers Gaza, le vice-président de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), Alexis Deswaef, s’est adressé au bourgmestre de Bruxelles Philippe Close : “Quand cesseront vos violences policières contre les manifestants ? Quand est-ce que ça va s’arrêter ? Que fait l’Office des étrangers ? Que fait monsieur le bourgmestre qui se trouve un peu plus loin ?

Voir aussi | Alexis Deswaef de retour d’une prison israélienne : “Avec le soutien de nos gouvernements, nous aurions réussi à ouvrir le couloir humanitaire”

La députée fédérale Sarah Schlitz (Ecolo) a déjà fait savoir qu’elle allait interroger la ministre de l’Asile et de l’Immigration Anneleen Van Bossuyt à ce sujet lors des questions parlementaires. “Ce suicide démontre que les filtres qui sont censés protéger les person​nnes les vulnérables d’un renvoi vers un pays comme la Grèce sont gravement défaillants. Mahmoud était vulnérable, et pourtant il faisait l’objet d’un renvoi forcé“. Elle invite la ministre à remettre en question sa politique suite à ce “précédent gravissime“.

Toute personne ayant des idées suicidaires peut contacter la ligne d’écoute du Centre de prévention du suicide au 0800 32 123 (elle est anonyme, gratuite et disponible 24h/24). Plus d’infos sur www.preventionsuicide.be.

V.d.T. – Photo : Belga

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