L’édito de Fabrice Grosfilley : la position du “Bloquons tout”

Aujourd’hui, cela fait deux semaines que les négociations autour du budget sont en cours en Région bruxelloise. Deux semaines que six partis ont accepté de discuter autour de David Leisterh pour arrêter un budget pluriannuel qui, d’ici la fin de la législature, devrait permettre d’économiser un milliard d’euros.

Depuis deux semaines, les négociateurs se sont donc vus à de multiples reprises, dont cinq fois cette semaine. Trois tableaux budgétaires ont été déposés : deux par David Leisterh et un par Ahmed Laaouej. Des groupes de travail ont été mis en place. Et David Leisterh a également organisé une série d’entretiens bilatéraux avec les différents partenaires, parfois avec Georges-Louis Bouchez, parfois sans lui.

Alors, après deux semaines de travail, il faut se poser la question : où en est-on ? À ce stade, aucun accord n’a encore été engrangé. La réunion d’aujourd’hui fait donc un peu figure de couperet. Il va falloir faire le point : est-on, oui ou non, réellement en capacité de lancer une négociation en Région bruxelloise, ou se dirige-t-on lentement mais sûrement vers un nouveau constat d’échec ?

Si ces négociations budgétaires donnent l’impression de patiner, c’est notamment parce que les six partis ne se sont toujours pas mis d’accord sur l’ampleur de l’effort à accomplir dans les quatre ans à venir. En théorie, c’est un milliard, c’est ce qui avait été annoncé. La question est : de quel montant part-on ? A priori, du budget 2024, où le déficit était d’1,5 milliard, ou du budget 2025, où il devrait être à peu près du même niveau. Problème : ce point de départ n’est pas validé par l’Open VLD, qui demande qu’on parte de l’objectif que le gouvernement Vervoort s’était assigné, à savoir un déficit d’1,2 milliard.

Entre les deux versions, il y a donc 300 millions d’écart. Trois cents millions d’économies supplémentaires à réaliser, estiment les libéraux néerlandophones. Et l’on sent que les libéraux francophones du MR, même s’ils affichent une certaine retenue puisqu’ils endossent le rôle de formateur, ne sont pas loin de partager cette position.

Depuis le début de la semaine, ce point de blocage n’a donc pas été levé. Pourtant, les négociateurs travaillent — sur cette question, mais aussi sur d’autres.

Exemple : le montant des titres-services. Depuis juillet, le salaire des travailleurs — et surtout des travailleuses — de ce secteur a été augmenté en Flandre et en Wallonie, mais pas à Bruxelles. Pour corriger l’écart, il faudrait soit augmenter le prix du titre-service (ce que fera la Wallonie), soit demander à la Région d’aider les entreprises à absorber la hausse salariale (comme en Flandre), soit combiner les deux ou imaginer un autre système.

Lundi, les négociateurs se sont saisis du dossier et, d’après mes informations, ont même invité le ministre en charge du dossier dans le gouvernement sortant. Bernard Clerfayt s’est présenté avec une proposition permettant d’aligner les salaires des travailleurs et travailleuses bruxellois sur ceux des deux autres Régions. Pour cela, il fallait débloquer 13,5 millions d’euros sur le budget 2025. Ce n’est pas énorme, mais l’Open VLD et le MR ont bloqué net : aucune nouvelle dépense pour 2025. Résultat : pas d’accord. Les travailleurs et travailleuses des titres-services devront donc attendre, et probablement renoncer à toute augmentation dans les mois à venir.

Ce qui est vrai pour les titres-services l’est aussi pour le secteur associatif, pour le social, pour la santé mentale, pour certains acteurs de la culture. Ce matin encore, un appel a été lancé par 40 associations du secteur de la prévention, exhortant le monde politique bruxellois à garantir des financements indispensables à la poursuite de leurs activités.

Ces appels se heurtent à un blocage politique que l’on n’arrive pas à dépasser. Une sorte de « bloquons tout » qui se joue autour de la table de négociation.

À la différence de la France où ce sont les syndicats, les mouvements citoyens ou les groupes de protestation qui bloquent ou tentent de bloquer, en Région bruxelloise, ce sont les partis politiques eux-mêmes qui jouent la carte du “bloquons tout”. Des partis bien installés à la table de négociation, qui se savent quasiment incontournables et qui n’entendent pas céder. Puisque la situation budgétaire est devenue critique — et c’est vrai qu’elle l’est —, ils bloquent toute nouvelle dépense. Et tant pis pour les travailleurs et travailleuses des titres-services, pour les associations, pour le secteur de la santé mentale, etc.

Évidemment, on ne pourra pas éternellement tout bloquer. Mais pour l’instant, c’est ainsi. Tant qu’on n’aura pas réellement lancé de négociation budgétaire avec des concessions des uns ou des autres — et de préférence des uns et des autres si l’on veut parvenir à un accord équilibré —, le blocage perdurera.

Aujourd’hui, les négociateurs tiendront donc une nouvelle réunion. Pour David Leisterh, après deux semaines de quasi-surplace, il devient urgent d’engranger un premier accord. De pouvoir lancer une dynamique positive, où une concession appelle une autre. Dans le cas contraire, il faudra tirer le constat d’un blocage et d’un nouvel enlisement. Et dans ce cas, la perspective d’avoir un budget pour 2026 s’éloignera encore un peu plus.

BX1
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