Décret paysage : PS et Ecolo réclament une approche chiffrée pour éviter de “réformer dans le vide”
Plusieurs amendements ont été déposés pour modifier l’avant-programme du décret paysage. L’opposition demande le retour de certaines mesures mises en place l’année dernière.
“Étonnant.” “Incompréhensible.” “Illogique.” L’avant-programme du décret paysage est au cœur du débat entre le gouvernement Degryse et l’opposition. Certains changements ne passent pas pour Ecolo et le PS. Les deux partis ont déposé plusieurs amendements au Parlement lundi. Ces amendements seront votés mercredi en commission budgétaire, puis en séance plénière dans deux semaines.
Dans le viseur des deux partis de gauche : l’accessibilité et le pilotage de l’enseignement supérieur.
“Avant toute chose, il faut préciser que la majorité indique abroger plusieurs articles du décret paysage. En réalité, le gouvernement n’abroge rien, car le décret s’éteignait après cette rentrée”, rappelle Martin Casier, chef de groupe PS au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Un “retour à 0” pour les réorientations
La majorité actuelle a décidé de conserver certains éléments, comme l’abandon du critère de réussite d’un programme annuel de 45 crédits minimum. “Heureusement, ils ne vont pas faire de changement pour cet article“, se réjouit Martin Casier.
Mais une autre mesure a disparu. Elle concerne le droit à la réorientation. Le PS et Ecolo avaient mis en place un “retour à 0” pour les étudiants qui décident de se réorienter. Une mesure qui risque d’être abrogée par le gouvernement Degryse. “On ne peut pas pénaliser les étudiants en leur enlevant une année supplémentaire”, explique Martin Casier. “L’orientation est vraiment un problème majeur dans l’enseignement supérieur. Il faut laisser la possibilité de changer de filière sans être pénalisé.” Bénédicte Linard, cheffe de groupe Ecolo, précise que le CReF (Conseil des rectrices et recteurs) est favorable à ce retour à 0. “C’est vraiment une mesure essentielle”, poursuit-elle.
“La majorité va continuer à avancer à l’aveugle”
La semaine dernière, BX1 annonçait que le monitoring des données à but de gestion n’apparaissait plus dans l’avant-programme. Dès lors, le gouvernement Degryse se condamnait à avancer dans le noir, sans pouvoir mesurer les risques des prochaines mesures. Quelques jours plus tard, une carte blanche paraissait, signée par le secteur académique, et soulevait les mêmes risques.
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Ecolo et le PS ont tous les deux déposé un amendement pour réintroduire la collecte de données à but de gestion. “C’est une mesure fondamentale pour gérer les risques futurs de non-finançabilité des étudiants“, indique Bénédicte Linard. “Tout le secteur estime qu’il faut une vue étayée sur la gestion des risques. Si la majorité ne réintègre pas les données à but de gestion, elle va continuer à avancer à l’aveugle. Sans chiffres étayés, on ne peut pas prendre des mesures.”
“L’année dernière, on manquait de faits chiffrés“, rappelle Martin Casier. “Nous avions alors demandé un reporting chiffré pour piloter l’enseignement supérieur. Si on ne le réintroduit pas, on va se retrouver exactement dans la même situation que la dernière fois”, poursuit-il, en précisant que les réformes se feront alors “dans le vide, avec des débats interminables“.
“Si on n’a pas de thermomètre, on ne peut pas savoir quels médicaments il faut prescrire”, indique le chef de groupe PS. Pour Martin Casier, fournir ce type de données n’est pas une mission impossible. “C’est déjà le cas dans l’enseignement obligatoire“, précise-t-il. De plus, une analyse interne de l’ULB que nous avons pu consulter montre qu’en mars dernier, l’université avait déjà réalisé une analyse des risques de non-finançabilité, donc d’exclusion des étudiants. L’ULB avait également identifié les mesures risquant d’y mener.
Une mesure autrefois soutenue… par Les Engagés
“Autant je ne suis pas surpris par le MR, qui propose souvent des mesures illogiques, autant je ne comprends pas Les Engagés“, continue Martin Casier.
“C’est étonnant et incompréhensible que le gouvernement veuille enlever ce monitoring”, poursuit Bénédicte Linard. “Les Engagés avaient, eux aussi, déposé un amendement en ce sens à la fin de la précédente législature. Nous sommes perplexes qu’ils souhaitent désormais l’enlever.”
En effet, au mois d’avril, Benoît Dispa et Michel de Lamotte, alors députés Engagés, déposaient un amendement demandant un pilotage, donc des données à but de gestion, et une évaluation du décret. “L’évaluation porte sur le parcours individuel des étudiants, en ce compris la diplomation, la finançabilité et les réorientations, avec une attention particulière pour les dispositifs d’aide à la réussite“, précisait l’amendement.
Emilie Vanhemelen – Photos : Belga