L’édito de Fabrice Grosfilley : Elke van den Brandt, nouvelle madame non ?

Un sentiment d’enlisement. C’est la sensation que nous avons lorsque nous observons l’état des négociations en vue de former un gouvernement pour la Région bruxelloise. L’impression que rien ne bouge, ou presque, et que les tentatives pour sortir de l’impasse sont actuellement vouées à l’échec, ou servent à masquer le fait qu’en réalité, il ne se passera plus rien avant les élections communales. Cette impression d’immobilisme est renforcée ce matin par l’actualité à d’autres niveaux de pouvoir, où, même s’il n’y a pas d’accord, il y a un minimum d’activité, ce qui contraste avec la situation bruxelloise.

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Passons rapidement sur la France. Ce n’est pas le même pays, pas les mêmes problématiques, pas la même manière de faire. Mais cela joue quand même sur le ressenti. Michel Barnier a présenté ce week-end un gouvernement qui se réunira pour un premier conseil des ministres ce matin. Michel Barnier était d’ailleurs hier soir au journal de France 2. Avec un message pour rassurer la gauche : on ne touchera pas aux lois sur la procréation médicalement assistée ou au mariage pour tous. Il n’est pas exclu non plus d’augmenter les impôts pour les plus fortunés. Un message pour séduire la droite ou l’extrême droite : on sera plus dur en matière d’immigration. Il faut souligner que Michel Barnier a composé une équipe qui penche nettement du côté droit de l’échiquier politique, avec notamment la nomination de Bruno Retailleau au poste de ministre de l’Intérieur. Bruno Retailleau, ancien proche de Philippe de Villiers, est ce qu’on pourrait appeler un catholique conservateur ; il a régulièrement défendu l’idée d’un référendum sur l’immigration et s’était opposé à la loi immigration défendue par la première ministre Élisabeth Borne, la considérant comme pas assez dure. On notera qu’il n’est pas le seul ministre issu de ce courant catholique conservateur. La gauche a d’ores et déjà annoncé son intention de déposer une motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier.

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La France a donc son gouvernement, ce qui n’est pas encore le cas pour la Belgique. Ce matin, Bart De Wever fera rapport au roi sur sa mission de formateur. L’entretien sera probablement purement formel. Les discussions en vue de former un gouvernement fédéral sont, pour l’instant, restées au niveau des conseillers, dans des groupes de travail. Pas d’avancée substantielle depuis que Bart De Wever a été reconduit, après la crise autour de sa “super note” retoquée par le Mouvement Réformateur, c’était le 2 septembre. Bart De Wever n’envisage pas d’accord avant plusieurs semaines. Initialement, les négociateurs principaux avaient convenu de se retrouver tous les vendredis midi pour faire le point, mais la réunion n’a pas eu lieu cette semaine. Tout le monde a bien compris qu’il ne se passerait rien avant les élections communales du 13 octobre.

Ça progresse à une allure d’escargot au fédéral, mais ça trottine au niveau de la région flamande. Les trois partis qui négocient à ce niveau de pouvoir, la N-VA, Vooruit et le CD&V, ont dégagé tôt ce matin un accord sur un cadre budgétaire après une soirée et une nuit de négociations au siège du gouvernement flamand, place des Martyrs. Grâce à cet accord, la N-VA, Vooruit et le CD&V franchissent une étape importante. Tous les montants du budget ont été établis, même si on n’en connaît pas encore tous les détails. “Nous avons convenu que faire des déclarations à ce sujet ne faciliterait pas la poursuite des pourparlers”, a expliqué Matthias Diependaele, le formateur flamand et probable futur ministre-président. Matthias Diependaele qui est attendu au Parlement flamand à 14h30 pour faire une déclaration de rentrée, puis les négociateurs se retrouveront à nouveau à 17h00.

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Ça procrastine au fédéral, ça trottine en Flandre et on pourrait dire que ça patine en Région bruxelloise. Toujours pas de négociations en vue. Du coup, les partis francophones ont décidé de passer par le parlement pour reporter la prochaine phase de la zone de basse émission. Vendredi, Ahmed Laaouej, à ce micro, envisageait de passer par le parlement aussi pour préparer le budget pour l’année prochaine. “Passer par le parlement”  signifie prendre de l’avance sur un hypothétique accord de gouvernement, . En clair, chercher un vote majoritaire plutôt que de se plier à une négociation qui n’avance pas, et tant pis si cette majorité heurte les intérêts des partis flamands qui se sentent ainsi minorisés. Pour rappel, il y a une dizaine de jours, Elke Van Den Brandt a renoncé à poursuivre sa mission tant que la confiance avec les francophones n’aurait pas été rétablie. La déclaration d’Ahmed Laaouej ne va pas dans ce sens, même si, pour l’instant, ce n’est qu’une déclaration.

Dans les jours qui viennent, Fouad Ahidar, qui a repris le rôle de formateur, tentera de réunir Vooruit et Groen pour une réunion à trois. En théorie, ces trois partis seraient en capacité de former une majorité dans le collège néerlandophone. En pratique, Elke Van Den Brandt n’envisage pas vraiment d’entrer dans cette négociation tant qu’elle n’aura pas reçu des garanties de la part des partis francophones avec lesquels elle serait amenée à gouverner. En fait de garanties, Elke Van Den Brandt veut surtout des assurances sur la future politique de mobilité. Qu’on lui promette qu’on ne passera pas par la voie parlementaire pour lui tordre le bras à chaque fois, comme a menacé de le faire Georges-Louis Bouchez sur Good Move. Faute de signal en ce sens, Elke Van Den Brandt préfère à ce stade ne pas entrer dans une négociation qui ressemble à un jeu de dupes, puisque tout accord pourrait être détricoté par un vote des parlementaires. Elle bloque donc, avec le risque de devenir la nouvelle “Madame Non” et qu’on lui impute la responsabilité de négociations qui, à Bruxelles, n’en sont pas vraiment.

 

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23 septembre 2024 - 11h27
Modifié le 25 septembre 2024 - 10h01