L’édito de Fabrice Grosfilley : les leçons de l’élection
Que s’est-il passé le dimanche 9 juin en Région bruxelloise ? On a voté, vous le savez. Le Mouvement Réformateur est sorti gagnant en arrivant largement en tête, Les Engagés ont également doublé leur nombre de députés, le PTB enregistre une progression alors qu’Ecolo a enregistré une lourde défaite. Ce sont les constats que l’on peut tirer des résultats. Peut-on en savoir un peu plus sur le comportement des électeurs ? C’est l’exercice auquel se prête le CEVIPOL, le centre d’étude de la vie politique de l’ULB, élection après élection.
Le premier constat que pose le CEVIPOL, c’est celui d’une dualisation du paysage politique de plus en plus marquée à Bruxelles. Dans les communes du nord-ouest, ce sont les listes du PS, du PTB et de Team Ahidar qui dominent le scrutin. Dans les communes du sud-est, ce sont le MR, Ecolo, les Engagés et Défi qui sont les leaders. Il y a donc bien le nord et le sud du canal, pour simplifier, et ce sont deux univers politiques très différents.
Pour aller plus loin, le CEVIPOL a interrogé plus de 2000 électeurs à la sortie des urnes le dimanche 9 juin. 52 sondeurs ont été mobilisés pour cet exercice qui permet de cerner un certain nombre de comportements des électeurs. Le premier constat est que ceux qui gagnent sont d’abord ceux qui ont eu la capacité de conserver leur électorat. Les politologues appellent cela le taux de rétention. On pourrait parler de fidélité électorale. Dans ce domaine-là, deux partis se distinguent : le Mouvement Réformateur et le PTB, avec des taux de rétention d’environ 80 %. Cela veut dire que 8 électeurs sur 10 qui avaient choisi ces formations en 2019 leur sont restés fidèles 5 ans plus tard. À l’inverse, Ecolo affiche un taux de rétention de 52 %, ce qui signifie que près d’un électeur sur deux qui avait choisi Ecolo en 2019 a choisi d’aller voir ailleurs en 2024.
Ensuite, il y a évidemment les transferts de voix. On observe ainsi qu’une partie significative de l’électorat de Défi s’est tournée cette fois-ci vers le MR et Les Engagés. Qu’une partie des déçus d’Ecolo sont allés vers le PS et vers le MR. Et que même si Les Engagés font un bon score, une partie de l’électorat du CDH a quand même rejoint le MR en 2024. Si on va un peu plus loin dans l’analyse, on notera que le problème de Défi est qu’il perd des électeurs sans en gagner de nouveaux. Ou que le PS bénéficie du transfert de voix écologistes dans les communes du sud, mais pas dans les communes du nord.
Autre donnée importante : les primo-votants, les électeurs qui votaient pour la première fois. On note là un effondrement des écologistes, qui avaient séduit beaucoup de jeunes en 2019, près d’un sur trois à l’époque, alors qu’ils ne sont plus choisis aujourd’hui que par 10 % des 18-23 ans. Chez les jeunes, le gagnant est donc le PTB en Région bruxelloise, il séduit plus d’un jeune sur quatre. Le PS est en léger recul dans cette tranche d’âge avec un jeune sur cinq. À l’inverse, le MR et Les Engagés séduisent moins de 10 % des 18-23 ans, pour Défi, on est même à moins de 5 %.
À l’inverse, les électeurs les plus âgés plébiscitent le Mouvement Réformateur, près d’un électeur sur trois chez les plus de 55 ans. Une tranche d’âge où le PS reste assez présent avec un électeur sur cinq.
Enfin, dernier constat : la différence de vote entre les femmes et les hommes. Le vote pour les réformateurs est plus masculin que féminin. Celui pour les socialistes et écologistes est plus féminin que masculin.
Tous ces résultats vont maintenant être étudiés, disséqués, digérés par les partis politiques. Certains en tireront peut-être des leçons pour leurs prochaines campagnes électorales. Cela aidera à affiner les stratégies, à réfléchir à son positionnement, à l’image que l’on renvoie. Nous, nous formons le vœu que tout ce travail d’analyse et de positionnement électoral ne masque pas la priorité du moment. Cette priorité, c’est celle de former des gouvernements et de gérer la Région bruxelloise. Il y a un temps pour la campagne électorale, et un temps pour le gouvernement. Ces dernières années, les deux temps ont eu tendance à se mélanger, dans une sorte de mêlée politique non-stop où la solidarité gouvernementale s’estompe au profit d’une communication toujours plus agressive et où l’on ne sait même plus très bien qui est dans la majorité et qui est dans l’opposition. Ce n’est pas parce qu’on a des outils d’analyse performants qu’on doit se croire en campagne permanente.
Un édito de Fabrice Grosfilley