Ixelles : cent ans après la naissance de Morris, une galerie expose cent de ses planches et dessins

Vendredi (1er décembre), à l’occasion du 100e anniversaire de la naissance de Morris, une exposition présentant 100 planches et dessins du créateur de Lucky Luke s’ouvre à la galerie Huberty & Breyne à Ixelles. “Cette exposition de niveau muséal et d’intérêt patrimonial lève le voile sur l’évolution du dessin de Morris et sur la pureté de son geste“, expliquent les organisateurs. Les pièces exposées jusqu’au 27 janvier ne seront pas commercialisées.

Parmi la sélection, figurent une douzaine de couvertures originales des aventures du cow-boy solitaire, restées jusqu’à présent dans le cercle familial. “Il s’agit de la première expo consacrée à Lucky Luke en Belgique. Elle répond à un souhait de la famille qui nous a ouvert ses archives afin que nous puissions choisir cent pièces“, explique Alain Huberty, cofondateur de la galerie. “Nous avons essayé de privilégier des planches et couvertures qui n’avaient pas encore été exposées jusqu’ici“, ajoute-t-il, essayant ainsi de se démarquer de ce qui avait été présenté lors d’une rétrospective organisée à Angoulême (ouest de la France) en 2016.

Les planches sont disposées suivant l’ordre chronologique de leur création. Les premiers traits de l’artiste laissent clairement entrevoir son goût pour le dessin animé, comme le confirme Claude de Saint-Vincent, directeur général de Média participations, maison mère des éditeurs historiques des aventures de Lucky Luke, Dupuis et Dargaud. “Rêvant d’animation, passionné de cinéma, Morris adopte l’archétype hollywoodien de l’époque, choisit un cow-boy comme héros et s’empare de l’univers du western“, écrit-il dans la préface du catalogue “Morris, 100 ans, 100 œuvres”.

Pour se replonger dans cette œuvre foisonnante, un espace lecture a été aménagé en fin de parcours proposant des albums en quatre langues (français, néerlandais, allemand et anglais). En face de cet espace, sont diffusés des extraits de l’émission française “Du tac au tac” dans laquelle Morris en livre un peu plus sur son coup de crayon.

De Maurice à Morris

Maurice de Bevere est né à Courtrai en 1923. A l’âge de 20 ans, il est engagé dans un studio de dessins animés où travaillent d’autres débutants qui ont pour nom Peyo ou Franquin. Il intégrera d’ailleurs la “bande des quatre”, où l’on retrouve Will et Jijé, outre Franquin. En 1946, Maurice de Bevere prend le pseudonyme de “Morris” pour publier les premières aventures de Lucky Luke dans “Spirou”. Deux ans plus tard, il part aux États-Unis où il restera six ans, notamment pour s’imprégner des paysages dans lequel évoluera son héros, comme l’Arizona. C’est au Pays de l’Oncle Sam qu’il fait la connaissance de René Goscinny. Le tandem va collaborer une vingtaine d’années, alors même que le scénariste français se lance dans la série à grand succès: Astérix.

Le duo aux commandes des aventures de Lucky Luke proposera “une relecture parodique de l’histoire de l’Ouest américain”, faisant revivre toute une série de malfrats ayant existé, les Dalton en premiers de cordée, explique Victor Macé de Lépinay, historien de la bande dessinée et spécialiste de Lucky Luke. Morris excelle dans cette ambiance de western, ne se privant pas de reprendre quelques acteurs de cinéma au travers de son œuvre, comme Lee Van Cleef, connu pour son rôle dans “Le Bon, la Brute et le Truand”. En couverture du “Chasseur de primes”, sorti en 1972, quelques années après le film de Sergio Leone, le visage buriné du brigand y est rendu à la perfection par le dessinateur belge.

Le célèbre cow-boy solitaire n’est accompagné que de son cheval, Jolly Jumper, et, à partir des années ’60, du chien erratique Rantanplan. Ce dernier deviendra, une vingtaine d’années plus tard, le héros d’une série dérivée. Après le décès de Goscinny en 1977, Morris poursuivra avec d’autres scénaristes. Il réalisera au cours de sa carrière quelque 70 albums pour environ 3.000 planches. Il est décédé le 16 juillet 2001 à Bruxelles.

Du neuvième au septième Art

Une dizaine d’années avant sa mort, il a pris soin de mettre sur pied les éditions Lucky Productions pour promouvoir son œuvre. Sous l’égide du dessinateur français Achdé, plusieurs auteurs ont poursuivi les aventures de Lucky Luke qui rassemblent près de 90 albums, traduits en une trentaine de langues et vendus à plus de 300 millions d’exemplaires.

Le succès du personnage est tel que le cow-boy n’a pas tardé à sortir des cases du Neuvième Art. S’étant frotté à la technique de l’animation lors de ses études, Morris participe activement à la production de longs métrages, le premier étant “Daisy Town” (studio Belvision), sorti en 1971. En 1984, une série de 26 dessins animés de vingt-six minutes, imaginés à partir des albums, est produite pour la télévision par Gaumont, Hanna-Barbera et France 3.

La famille du dessinateur a accepté de mettre en vente dix dessins de Morris qui tournent autour de l’œuvre du célèbre cow-boy mais ne sont pas issus d’albums. Après avoir été exposés à Genève et Paris, ils peuvent être contemplés à Ixelles où ils seront mis aux enchères le 19 décembre.

 

Belga – Visuel : Morris via Huberty & Breyne

■ Un reportage de Marine Guiet, Loïc Bourlard et Paul Bourrières