L’éditorial de Fabrice Grosfilley : la stupeur et l’horreur
Comment ne pas exprimer de la stupeur, de l’effroi, du dégoût, de la tristesse après ce qui vient de se passer en Israël et dans la bande de Gaza ces dernières 48 heures ? Comment ne pas écarquiller les yeux face à une attaque d’aussi grande ampleur que personne, même le très informé Mossad n’a vu venir ? Comment ne pas condamner les actes de violences commis à grande échelle ? Comment ne pas aussi s’inquiéter de la réaction de l’état israélien, de ces bombardements massifs (plus de 500 projectiles tirés la nuit dernière) qui feront aussi de nombreuses victimes parmi les populations civiles. Être capable de s’émouvoir et de condamner les exactions des deux camps n’est pas une position de jésuite ou de pleutre qui n’oserait pas choisir son camp, c’est au contraire une conviction empreinte d’humanité qui veut rappeler que toutes les vies humaines, quelque soit la religion que cet être humain porte en lui, se doivent d’être défendues.
La condamnation des actions du Hamas ce samedi est évidente et elle devrait être sans équivoque. Lancer des combattants à l’assaut des populations civiles, tuer de sang froid des passants, en enlever d’autres pour s’en servir d’otages, semer délibérément la violence et la peur à des fins politique porte un nom : le terrorisme. En appliquant ces techniques terroristes à grande ampleur le Hamas fait prendre à ce conflit une nouvelle dimension où toutes les atrocités sont désormais possibles. Bafouer les règles de la guerre aura forcément des conséquences incalculables. C’est une victoire éclair symbolique pour le court terme. C’est probablement une descente aux enfers pour la population palestinienne (qui n’a pourtant pas besoin de cela) pour le moyen et le long terme. C’est surtout une honte morale. Quand on hait son ennemi au point de tuer des femmes et des enfants sans hésitation on ne mérite pas beaucoup de considération. La découverte de 250 corps de jeunes israéliens froidement abattus alors qu’ils étaient venus danser dans une rave-party restera comme un symbole d’une journée de samedi a laquelle il faut bien accoler le mot de barbarie. Ce qui s’est passé ce week-end rappelle le 11 septembre et la Shoah. Il ne peut rien en sortir de bon côté israélien.
Condamner sans réserve les exactions du Hamas, pourvoir dire qu’il s’agit de terrorisme sanguinaire et pas d’une autodéfense légitime, cela ne veut pas dire cautionner l’action de l’État israélien. Oui le gouvernement israélien, où l’ extrême-droite occupe désormais une place de choix s’est lui aussi rendu coupable de nombreuses provocations ces derniers mois (et on pourrait étendre les responsabilités à plusieurs gouvernements sur au moins une décennie). En multipliant les implantations qui ne sont rien d’autres qu’une appropriation de terres palestiniennes, en permettant des exactions d’extrémistes sur l’esplanade des mosquées, en ne faisant rien pour relancer un semblant de dialogue, à défaut de processus de paix. On peut craindre que dans les prochaines heures ou les prochains jours la puissance militaire israélienne ne fasse à son tour de nombreuses victimes coté palestinien (ce lundi matin sur l’antenne de BX1, Emmanuel Nashon, numéro 2 du département des affaires étrangères d’Israël indiquait clairement l’intention de “porter la guerre dans la bande de Gaza”). Cette loi du talion qui veut que si tu me frappes je te frappe en retour c’est l’engrenage à l’œuvre depuis plus d’un demi-siècle au Proche-Orient. Aux morts israéliens vont donc répondre les morts palestiniens. Décomptes macabres et pulsions mortifères. Dans les deux camps la colère, le désir de vengeances, la souffrance des mères qui perdent leur enfant, la colère des jeunes qui ont perdu leur père, leur frère ou leur sœur. Il faut avoir vu Gaza un jour pour comprendre la désespérance de cette enclave aux buildings déglingués et surpeuplés, une enclave qui a pris au fil des ans les allures d’un camp de réfugiés immense et d’une prison a ciel ouvert, où la misère et l’ insécurité sont à tout les coins de rues. Un terreau fertile pour l’islamisme qui a bouté l’Autorité Palestinienne hors de l’enclave. Quand on bombarde un camp de réfugiés ou une prison à ciel ouvert on décuple la colère de ses habitants. De ces bombardements sur la bande de Gaza, de la coupure de son alimentation en électricité, de l’incursion à venir des chars, il ne sortira rien de bon non plus.
Nous qui sommes à distance nous ne pouvons que constater la flambée de violence. La condamner, la regretter. Nous sommes bien impuissants. Notre rôle se limite à appeler à la raison, si éloignée de la colère. À veiller à ce que les passions ne s’importent pas sur le sol européen. Et a rappeler aussi que tant qu’on a pas fait la paix avec ses ennemis, le risque de guerre est toujours présent. Que tant qu’on a pas fait la paix, on prend le risque de ne pas pouvoir vivre en paix.